Stades cyclopéens sortis des sables, foules immenses aux portes du désert… La Coupe du monde de la démesure débute dimanche au Qatar après douze ans de préparatifs et de polémiques sans précédent autour du tournoi, qui pourrait consacrer des géants comme Lionel Messi ou Neymar.
Dimanche à 19h00 locales (16h00 GMT), le coup d’envoi du match d’ouverture Qatar-Equateur marquera le début d’un mois effréné de football dans le petit émirat, qui espère que « son » Mondial ne s’ensablera pas dans les controverses extrasportives. De fait, la 22e Coupe du monde, première édition organisée dans un pays arabe, premier Mondial moderne concentré sur un territoire aussi réduit et programmé en fin d’année civile, en interrompant la saison des clubs en Europe, n’a cessé de faire débat depuis son attribution surprise en 2010. Accusations de corruption, droits des travailleurs migrants, question des discriminations à l’égard des femmes, capacité d’accueil dans un aussi petit pays à la faible tradition footballistique, ou encore impact environnemental de la compétition pour laquelle sept stades neufs ont été bâtis, le Mondial-2022 a suscité une contestation rare, notamment dans les pays occidentaux. L’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, est allé jusqu’à fustiger une campagne « sans précédent » de « calomnies » contre le riche Etat du Golfe, qui a investi selon certaines sources autour de 200 milliards d’euros pour le tournoi. « Les huit stades de la Coupe du monde sont tous très beaux », l’a félicité Gianni Infantino, le président de la Fifa, jeudi à Doha. « Nous ne comptons plus les jours (jusqu’au tournoi, NDLR), nous comptons les minutes et les secondes (…) avant le coup d’envoi d’une Coupe du monde incroyable. Le Qatar nous a promis d’organiser une Coupe du monde extraordinaire. » Dans une péninsule grande comme Chypree, l’enjeu est immense pour l’image du petit émirat (près de trois millions d’habitants), qui attend plus d’un million de fans jusqu’à la finale programmée le 18 décembre au stade de Lusail (80.000 places), avec de nombreux défis à relever: sécurité, gestion des flux de supporters d’un stade à l’autre, restrictions de consommation d’alcool…
Les Bleus dans le doute
Les organisateurs ont d’ailleurs fait volte-face vendredi, à 48 heures du coup d’envoi, en interdisant la vente d’alcool à proximité des huit stades, suscitant l’incompréhension des groupes de supporters. La journée de lundi, avec le premier match de l’Angleterre et de ses bouillants supporters contre l’Iran, aura valeur de test pour les organisateurs, à la veille de l’entrée en lice mardi de l’équipe de France, championne du monde en titre, contre l’Australie. Sur le plan sportif, les Bleus conduits par Kylian Mbappé arrivent au Qatar nimbés de doutes après une hécatombe de blessures (Pogba, Kanté…) et un état de forme inquiétant pour deux de leurs piliers, le défenseur central Raphaël Varane et le Ballon d’Or Karim Benzema. Et la concurrence s’annonce menaçante. Il y a bien sûr le Brésil de Neymar, N.1 mondial au classement Fifa, et l’Argentine, qui a enchaîné mercredi en amical contre les Emirats arabes unis un 36e match sans défaite (5-0), à une longueur du record d’invincibilité établi par l’Italie en 2021.
L’heure de l’Amérique du Sud ?
Après vingt ans de domination européenne (Italie 2006, Espagne 2010, Allemagne 2014 et France 2018), l’heure de l’Amérique du Sud est-elle revenue ? C’est par exemple l’avis du sélectionneur espagnol Luis Enrique, qui voit « l’Argentine au-dessus et le Brésil aussi ». En quête d’une consécration planétaire qui couronnerait son immense carrière, l’Argentin Messi (35 ans) cite pour sa part le Brésil, la France et l’Angleterre vice-championne d’Europe. En l’absence de l’Italie championne d’Europe mais non qualifiée, une caravane d’autres prétendants se profile dans les sables du désert, de l’Allemagne à l’Espagne, rajeunies, en passant par les Pays-Bas ou la Belgique. Mais sans préparation physique préalable, ni série de matches amicaux pour se roder avant le tournoi, les certitudes sont fragiles. Cela pourrait profiter aux outsiders comme la Croatie vice-championne du monde 2018, le Portugal de l’inamovible Cristiano Ronaldo (37 ans), l’Uruguay des inoxydables Luis Suarez et Edinson Cavani (35 ans) ou le Sénégal champion d’Afrique, malgré le forfait de sa star Sadio Mané. Verra-t-on du beau spectacle ? Les spécialistes assurent que oui, car les stars évoluant en Europe ne seront pas en bout de course, même si le syndicat français de footballeurs Fifpro s’est inquiété d’un « calendrier de matches encombré » cet automne. « Les joueurs seront en pleine forme », estime pour sa part le Français Youri Djorkaeff, champion du monde 1998. « On aura une compétition incroyable, qui sera très, très disputée et d’une qualité physique incroyable », prophétise-t-il pour l’AFP.