Le procès historique de 1985 contre la junte militaire au pouvoir en Argentine de 1976 à 1983 est au coeur d' »Argentina, 1985″, très applaudi samedi au Festival international du film de Venise (Italie), où il concourt pour le Lion d’or. Pour son cinquième long-métrage, le cinéaste argentin Santiago Mitre est revenu sur cette période sombre de l’histoire de son pays en s’inscrivant dans les pas du procureur chargé des poursuites, Julio Strassera, incarné par Ricardo Darin, et de son assistant Luis Moreno Ocampo (Peter Lanzani).
« Je me souviens encore du jour où Strassera lut son acte d’accusation: le vacarme dans le tribunal, l’émotion de mes parents, les rues enfin en mesure de fêter quelque chose qui ne soit pas un match de foot, l’idée de la justice comme un acte de guérison », a expliqué Santiago Mitre, vainqueur en 2015 du grand prix de la Semaine de la Critique au festival de Cannes (France) avec « Paulina ». L’essentiel du film ne se déroule pas dans l’enceinte du tribunal mais se concentre sur la genèse du procès et les obstacles sur lesquels butent les enquêteurs, confrontés à des menaces contre eux-mêmes et leurs proches. « Cette histoire m’a profondément touché et m’a donné l’envie de faire un film sur la justice (…) basé sur des faits qui se sont réellement produits », a raconté le cinéaste. L’humour et l’autodérision ne sont jamais loin dans cet opus qui se garde de faire des héros de ses protagonistes, alors que la majorité du pays est restée passive sous la dictature. « Les héros n’existent pas », tranche le procureur Strassera devant sa femme. Les témoignages des victimes racontant les horreurs subies, en particulier celui d’une femme contrainte d’accoucher menottée à bord de la voiture de ses tortionnaires, sont bouleversants. Selon les organisations de défense des droits humains, quelque 30 000 personnes ont disparu sous la dictature argentine. 400 bébés nés en captivité ont été illégalement remis à d’autres personnes, selon l’organisation des Grands-mères de la Place de Mai, qui lutte en faveur des disparus. Depuis la reprise des procès de la dictature au milieu des années 2000 – après plus d’une décennie de mesures et lois d’amnistie controversées -, quelque 1 060 personnes ont été condamnées pour crimes contre l’humanité. La justice argentine a encore condamné début juillet à la prison à vie 10 anciens militaires et policiers pour homicides, enlèvements, tortures et viols.