Le scénario est maintenant connu: les pénuries provoquées par les spéculateurs sur l’huile, la semoule, le lait, la pomme de terre, la farine, etc., sont suivies de hausses de prix décidées par des commerçants à la recherche du gain facile. Les Algériens se demandent s’il y a une fin à ce cauchemar ou s’il va être permanent.
Le citoyen est directement, et chaque jour, impacté par les pénuries et les hausse surprises des prix y compris de produits subventionnés pour lesquels les autorités n’ont pris aucune décision. Il perd confiance dans les démarches des responsables et ne croit plus à leurs promesses quand ils annoncent que ces problèmes ne se reproduiront pas. En échappant au contrôle de l’État, depuis plus d’une vingtaine d’années, le commerce intérieur est tombé aux mains des spéculateurs qui décident de la disponibilité des produits et de leurs prix. Cela concerne surtout les produits qui constituent la base du système alimentaire et nutritionnel. Tous les Algériens savent que ce sont les spéculateurs qui stockent des produits pour provoquer la pénurie et pour augmenter les prix, ils n’attendent pas du ministre du Commerce qu’il leur explique ce phénomène. Avant, quand l’économie était «administrée», cette pratique illégale a été utilisée pour justifier la revendication de la privatisation du commerce intérieur opérée en 1997 dans le cadre du passage à l’économie de marché. Aujourd’hui, qu’est-ce qui explique le recours à la spéculation et à la hausse injustifiée des prix? Est-ce parce que le commerce est «halal» (licite, au sens religieux) et libre (au regard de la loi), que tout est permis ?
Le président Abdelmadjid Tebboune a imputé ces pratiques à des «parties qui tentent d’augmenter les prix pour susciter le chaos et semer le désespoir». La spéculation est ainsi inscrite dans le registre des «plans de déstabilisation». Elle ne relève plus uniquement de la répression des fraudes. Seulement, le contrôle rigoureux attendu des services de l’Etat n’est pas visible, l’application stricte des lois et de la réglementation, dont celles concernant les acteurs de la spéculation, est peu convaincante, les sanctions tardent,…
Dans des situations analogues, peu après l’indépendance, en 1964, des spéculateurs avaient été condamnés à des peines allant de 6 mois à 20 ans de prison. La baisse effective des prix sur le marché avait été immédiate. Dans le régime actuel de l’économie de marché et concernant les produits de large consommation, certains commerçants choisissent naturellement de vendre les produits pour lesquels, ils peuvent fixer, eux-mêmes, le prix qui les arrange, et gagner beaucoup. C’est la course au gain immédiat et facile. Des économistes ont caractérisé ce fait comme «un transfert de valeur du secteur étatique vers le secteur privé, des activités productives vers celles du commerce et de la spéculation, des salariés vers les spéculateurs, du travail productif vers la contrebande et l’informel». Dernièrement, le ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, Kamel Rezig, a annoncé que son département prépare un texte de loi permettant de plafonner les marges bénéficiaires en vue de préserver le pouvoir d’achat du citoyen tout en prenant en considération les intérêts des commerçants. En ce moment, la «tension» sur le marché concerne l’huile de table. En octobre dernier, le ministre a affirmé qu’il n’y avait aucune pénurie d’huile de table, ajoutant que la spéculation et les rumeurs ont entraîné une forte demande des citoyens sur ce produit créant un déséquilibre entre l’offre et la demande. Mais ce lundi, il a donné « des instructions fermes » en vue d’augmenter la production d’huile de table et de satisfaire la demande. Il y a donc, également, un problème de production. Pourquoi attendre la pénurie pour réagir alors que tout le monde sait que les spéculateurs sont là à guetter la moindre faille. Ils se préparent sans doute dès maintenant pour leur mois de prédilection, le Ramadhan. Les autorités sont-elles en mesure de prévenir les crimes des spéculateurs et bloquer leurs récidives ? Les mesures de prévention doivent être prises.
M’hamed Rebah