Alors que l’exécutif marocain est secoué par des démissions de ministres du staff gouvernemental du patron du parti islamiste (PJD) de Saâd Edine El-Othmani, au moment où le royaume fait face à une sérieuse crise en raison des conditions socio-économiques déjà difficiles des marocains, aggravées par la pandémie du Covid-19, la contestation populaire du rif, la colère et l’opposition de l’opinion marocaine à la normalisation avec l’entité sioniste et l’impact de la guerre au Sahara occidental, depuis le 13 novembre dernier, le chef de la diplomatie marocaine, Nacer Bourita ouvre la porte d’une autre crise, de nature diplomatique qui vient s’ajouter à celles citées et autres.
Celui qui va effectuer incessamment un déplacement en Israël, pour accélérer et consolider les relations entre la monarchie marocaine et l’entité sioniste, en l’occurrence, Nacer Bourita a choisi le timing pour envoyer sa note, au chef du gouvernement, Saâd Edine El-Othmani, dans laquelle il indique que « tous les départements ministériels (…) sont priés de suspendre tout contact, interaction ou action (…) aussi bien avec l’ambassade d’Allemagne au Maroc qu’avec les organismes de coopération et les fondations politiques allemandes qui lui sont liés». Une rupture des relations diplomatiques avec Berlin en raison « des profonds désaccords au sujet de questions fondamentales pour le Maroc », sans aller jusqu’à mentionner la nature des malentendus entre Rabat et Berlin. Laissant fuiter sa note, dans la presse marocaine, alors que dans les us diplomatiques, il est question d’annonce officielle et publiquement, de rupture ou de crise diplomatique, Nacer Bourita a fait cette décision, au moment du début de l’audience, à la Cour de justice de l’Union européenne, sur le recours en annulation de l’accord portant extension des Accords d’association et de libre-échange UE/Maroc au territoire du Sahara occidental, introduit par le Front Polisario, le 27 avril 2019. Ne perdant pas de vue que l’Union européenne est plus à l’écoute de l’Allemagne que la France. Depuis ces dernières années, le Maroc accuse défaite après défaite, dans l’espace européen, en raison de l’incapacité de ses soutiens traditionnels de son occupation du Sahara occidental, à dépasser la ligne rouge qu’imposent le Droit international et aussi le droit européen, concernant le Sahara occidental, territoire distinct et séparé de l’espace géographique du royaume marocain qui n’a aucune souveraineté sur le Sahara occidental, classé, territoire-non autonome soumis à un processus de décolonisation selon les principes et la Charte des Nations unies. Si Nacer Bourita a voulu, par son annonce de la rupture diplomatique avec l’Allemagne, chercher à dévier les regards de ce qui se déroule, depuis mardi dernier, à l’audience de la Cour de la Justice de l’UE précitée, par l’annonce de Rabat de «profonds désaccords » avec Berlin «au sujet de questions fondamentales pour le Maroc » sans les citer, alors que c’est un secret de polichinelle. Rabat espère en vain atteindre cet objectif, au regard de l’importance et de l’impact qu’a déjà eu l’annonce puis le début de la tenue, depuis mardi dernier, de l’audience à la Cour de justice de l’Union européenne sur le recours en annulation de l’accord portant extension des Accords d’association et de libre-échange UE/Maroc au territoire du Sahara occidental, introduit par le Front Polisario, le 27 avril 2019. Aussi, il est à rappeler que Rabat craint la solidarité et le soutien grandissant en Allemagne à la cause du peuple sahraoui pour son indépendance, notamment après avoir vu, le 27 janvier dernier, le drapeau de la République Arabe sahraouie démocratique (RASD) se hisser durant des heures, devant le Parlement régional allemand de Brême après l’appel du nouveau président de l’intergroupe pour le Sahara occidental, Andreas Schieder, à l’Union européenne et au Comité international de la Croix-Rouge pour qu’ils réagissent aux « exactions et violations du Maroc dans les territoires occupés du Sahara occidental » appelant à l’application du droit international, pour le règlement du conflit, par la tenue du référendum d’autodétermination du peuple sahraoui.
Merkel avait affirmé son attachement à la légalité internationale au Sahara occidental
Alors que Berlin avait exprimé ses réserves et son opposition , le 11 décembre dernier, à l’annonce , la veille de l’ancien président des États-Unis, Donald Trump, de reconnaître la pseudo souveraineté marocaine sur le Sahara occidental à condition que Rabat procède à l’officialisation de ses relations diplomatiques avec Israël. Rabat n’a pas réagi, à la position précitée de l’Allemagne. C’est la chancelière allemande, Angela Merkel qui avait rappelé la position de son pays, dans un communiqué, publié le 11 décembre dernier, dans lequel elle a réaffirmé que « la position du gouvernement allemand sur le conflit du Sahara occidental n’a pas changé. Nous sommes déterminés à parvenir à une solution juste, durable et mutuellement acceptable sous la médiation des Nations unies ». Aussi Berlin avait souligné, à partir du siège de l’ONU, le 24 décembre dernier, à l’adresse de l’ex-président américain, Donald Trump qu’«être porte-plume [des résolutions sur le Sahara occidental au Conseil de Sécurité] vient avec de la responsabilité. Cela s’accompagne d’un engagement fort pour résoudre un problème, il faut être juste, il faut être impartial, il faut avoir à l’esprit l’intérêt légitime (…) il faut agir dans le cadre du droit international », avait déclaré l’ambassadeur allemand à l’ONU, Christoph Heusgen . Sans manquer d’affirmer, encore une fois, sur le règlement du conflit opposant le Maroc et le Front Polisario, sur le Sahara occidental que «la solution définitive du problème doit s’effectuer dans un cadre onusien », conformément, affirme Christoph Heusgen, « aux résolutions internationales y afférentes », avait-il insisté. Il est utile de rappeler, que le dernier poste d’envoyé spécial du SG de l’ONU, pour le Sahara occidental, était occupé par l’ancien président allemand, Horst Köhler, lequel a été confronté, à l’exemple de ses prédécesseurs, les américains, Christopher Ross et bien avant lui James Baker, à l’entêtement et au refus de Rabat de se plier à la légalité internationale qui consacre le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Par ailleurs le silence de Bourita et à travers lui Rabat, sur la position allemande sur le Sahara occidental, conforme à la légalité internationale, jusqu’à le briser depuis deux jours pour annoncer la rupture des relations diplomatiques au moment du début de l’audience à la Cour de justice de l’UE, précitée et après deux mois, de la décision de Berlin de débloquer, pour le Maroc , une enveloppe de 1,387 milliard d’euros d’appui financier, dont 202,6 millions d’euros sous forme de dons, le reste sous forme de prêts bonifiés, en soutien aux réformes du système financier marocain ?
La diplomatie marocaine avait salué, en la personne de son chef, la décision de Berlin,dans un communiqué, en indiquant même « l’excellence de la coopération bilatérale entre les deux pays » suite à un entretien téléphonique avec le ministre allemand de la Coopération économique et du Développement, Gerd Müller. Alors que dans son annonce de rupture des relations diplomatiques avec Berlin, en raison « de profonds désaccords au sujet de questions fondamentales pour le Maroc», Rabat semble dire au reste du monde, que les relations bilatérales ou multilatérales ne doivent pas tenir compte du Droit international, lequel rattrape le royaume chérifien dans ses relations avec le reste du monde, à l’exception de l’entité sioniste, qui se soutiennent mutuellement en raison de leurs systèmes politiques d’occupation similaires, en Palestine pour Israël, et au Sahara occidental, pour le Maroc.
Karima Bennour