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ESSAIS NUCLEAIRES DE REGGANE : Des experts appellent la France à la reconnaissance de ses crimes

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Soixante-et-un ans sont passés après les essais nucléaires coloniaux de la France dans la région de Reggane, et les répercussions radiologiques catastrophiques sont toujours visibles sur l’homme, l’animal et la nature.

Selon les experts, il s’agit d’un crime contre l’humanité et l’environnement. Ces derniers ont appelé maintes fois à la reconnaissance de ces crimes par l’État français. À l’occasion de cette commémoration, le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, a écrit, hier, sur son compte tweeter « le 13 février 1960 à 7h40, la France a procédé à la première explosion nucléaire dans la région de Reggan dans le désert algérien, dans un processus appelé « Blue Jerboa ». Le ministre a ajouté que l’explosion nucléaire était d’une force de 70 kilotonnes, ce qui équivaut à trois à quatre fois la bombe d’Hiroshima. Boukadoum a rapporté que l’explosion nucléaire a eu des répercussions radiologiques catastrophiques qui continuent de nuire à la population et à l’environnement à ce jour. Pour cela, et dans ce sujet plusieurs historiens, experts et avocats ont condamné fortement ces explosions les qualifiant de massacres relevant du crime contre l’humanité, comme en témoignent les impacts sur environnement et les conséquences sanitaires désastreuses, d’où l’impératif d’une enquête internationale.
Selon Fatma-Zohra Benbraham, avocate au barreau d’Alger « les explosions nucléaires françaises dans la région de Reggane ont été une concrétisation littérale de la politique de la terre brulée suivie par la colonisation française », rappelant que l’ancien président français François Hollande avait reconnu, en 2014, que ce qui s’est produit à Reggane étaient « des explosions et non des essais nucléaires », elle a estimé que « cette reconnaissance est à même de constituer un élément supplémentaire pour prouver le crime perpétré à l’encontre des Algériens ». « Il est inadmissible d’occulter le droit d’Algériens qui ont été utilisés comme des rats de laboratoire pour des essais nucléaires, a-t-elle dénoncé, ajoutant que leur mort ne peut être un prétexte pour oublier ce qu’ils ont subi » affirmant que ces explosions qui se sont étendues à travers les eaux souterraines jusqu’à la Tunisie « ne peuvent être ignorées ». De son côté, le membre et représentant de l’Association 13 Février des victimes de la région de Reggane, Mahmoudi Mohamed, a mis en avant « les souffrances » des habitants de la région et « les graves maladies héritées en conséquence de ces explosions nucléaires », affirmant que « le calvaire » hérité de génération en génération demeure « une infamie dans l’Histoire de l’occupant français ».

La récupération des archives coloniales, un préalable
Egalement, l’historien Mohamed El Korso, a estimé que « la France doit, dans le cadre d’un mécanisme de coopération bilatérale, restituer les archives liées aux explosions nucléaires menées dans le Sahara algérien pendant la période coloniale, afin de permettre l’identification des lieux d’enfouissement des déchets nucléaires et la délimitation des zones contaminées pour éviter de nouvelles victimes », qualifiant ces explosions de crime « imprescriptible » contre les Algériens, l’humanité et l’environnement, l’historien précise que la récupération des archives liées à ces explosions nucléaires est à même de faciliter la gestion de ce dossier mémoriel fondamental. Aussi, le directeur de l’Observatoire des armements en France, Patrice Bouveret, a regretté, dans un entretien accordé à l’APS, que l’historien Benjamin Stora n’ait pas accordé une « grande importance » aux conséquences sanitaires sur les populations de Reggan et de Tamanrasset. Rappelant que des propositions pour le règlement des conséquences des essais nucléaires ont été annoncées à deux reprises au moins en 2008 et en 2012, par les responsables politiques des deux pays, « sans qu’elles soient suivies d’une mise en œuvre concrète », relevant que la mission confiée par le président Emmanuel Macron à l’historien Benjamin Stora « brassait un spectre très large couvrant toute la période de la colonisation et la Guerre d’Algérie ». Notant également, concernant l’absence d’indemnisation des victimes algériennes de ces essais nucléaires, que cette question « ne concerne pas seulement les victimes en Algérie, mais bien l’ensemble des personnes affectées ». Il a fait savoir qu’ « en dix ans d’existence de la loi de reconnaissance et d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Loi Morin), seulement 363 personnes ont pu en bénéficier », qualifiant cela de « ridicule au regard des conséquences subies par l’ensemble des populations et des personnels, suite aux 210 essais réalisés par la France, pour qu’elle accède au club des puissances nucléaires. Citant les dernières données publiées par le Comité chargé d’examiner les dossiers (Civen, Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires), il a révélé « qu’une seule indemnisation a été accordée à une personne habitant en Algérie. Soulignant que la loi Morin pose le principe de réparation du préjudice subi pour toute personne souffrant d’une maladie radio-induite résultant des essais nucléaires, Bouveret a noté que les démarches pour bénéficier de cette la loi ne sont pas des plus simples, notamment pour les populations vivant dans la zone des essais. Pour rappel, le 20 janvier passé l’historien Français Benjamin Stora avait remis son rapport consacré aux « questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie » au président français, parmi les nombreux sujets qu’il a abordés, la question des essais nucléaires français réalisés dans le Sahara de 1960 à 1966, et celle des champs de mines aux frontières.
Sarah Oubraham

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