Alors que les libyens voyaient une lueur d’espoir, dans le cours des évènements des derniers mois de l’année qui s’achève, après plus de dix ans de chaos sécuritaire et l’absence de vie politico- institutionnelle, depuis l’intervention de l’Otan, en 2011, dans la crise libyenne, la prochaine année s’annonce la plus difficile pour le peuple libyen et son pays. Après avoir franchi le cap de la cessation des combats entre les belligérants libyens, avec la conclusion du cessez-le-feu, dans le sillage du dialogue de la commission 5+5 et la tenue du dialogue politique inter-libyen, en traduction des résultats de la conférence de Berlin, janvier 2020, lequel a abouti à l’adoption d’un calendrier des élections législatives et présidentielle dans ce pays, prévues décembre prochain, les choses semblent se diriger à contre sens de ce qui a été accompli, jusque-là. Les déclarations, en effet, de Khalifa Haftar affirmant qu’il était temps pour ses troupes « de reprendre pour chasser l’occupant turc », après quelques semaines de l’annonce du président turc, Tayep Rajeeb Erdogan du prolongement de 18 mois, de son accord de coopération et de soutien militaire avec le gouvernement de Fayez El-Serraj, proposition adoptée, le 2 décembre dernier, par le parlement turc, le risque du retour, de la Libye, à la période antérieure à la signature, octobre dernier, du cessez-le-feu, en Libye, est imminent et bien là. Les avancées vers la sortie de crise, à travers le dialogue inter-libyen, sur les questions de sécurité des 5+5 et politiques aboutissant à l’adoption d’un calendrier des élections, saluées par la communauté internationale, l’Union africaine et les pays voisins à la Libye risquent de s’évaporer, sur fond des ingérences entre acteurs étrangers : Turquie, Émirats arabes unis, France, Égypte, pour ne citer qu’eux. Ces derniers, dans leur rôle de gestion de la crise libyenne, selon leurs intérêts respectifs, l’effort des libyens et d’autres acteurs est freiné voire contrarié pour mener la Libye au bon port.
Au moment où le premier responsable de l’Armée nationale libyenne (LNA), le maréchal Khalifa Haftar, soutenu par la France, les Émirats arabes unis et l’Égypte, appelait à la mobilisation de ses troupes, son rival qui jouit du soutien de la Turquie et du Qatar, le chef du GNA, Fayez al-Sarraj, appelait, depuis Tripoli, ses compatriotes à «tourner la page des désaccords pour aboutir à la stabilité». Stabilité qui se fera, a-t-il poursuivi que par «la «solidarité entre forces politiques du pays » a-t-il dit. Les libyens assistent, en ces derniers jours de l’année en cours, à une guerre verbale entre les différents acteurs (libyens comme étrangers) craignant de voir le langage des armes prendre le dessus et maintenir le pays dans le chaos et le plonger dans les pires scénarios qui le guettent, dont l’éclatement du pays. Aux déclarations, de jeudi dernier, de Khalifa Haftar, à l’adresse de la Turquie, Ankara, qui n’a n’a cessé, faut-il le noter , de procéder à l’envoi de combattants étrangers de Syrie en Libye, a réagi samedi dernier, à travers la visite officielle à Tripoli du ministre turc de la défense, Hulusi Akar, avec une délégation de hauts gradés, pour la remise de diplômes aux officiers libyens formés en Turquie.
Rencontrant son homologue du gouvernement dirigé par Fayez el-Sarraj et le président du Haut Conseil d’État, le ministre turc a évoqué avec les responsables libyens « la poursuite de la coordination » entre Ankara et Tripoli «pour repousser une éventuelle tentative hostile de la part des forces … de Khalifa Haftar». Le ministre turc Hulusi Akar a déclaré, dans un discours aux forces turques opérant en Libye que « Haftar et ses partisans doivent savoir que nous les considérerons comme des cibles légitimes s’ils attaquent nos forces » et d’avertir, que «les forces de Haftar et ses partisans n’auront aucun endroit où fuir s’ils attaquent les forces turques » a-t-il lancé. Et c’est par ces déclarations de guerre, entre les responsables turcs et Khalifa Haftar, que le peuple libyens dont des acteurs politiques libyen craignent le pire, pour la nouvelle année qui s’annonce, d’autant plus que la communauté internationale a montré ses limites et ses capacités à prémunir, voire stopper les ingérences et les interférences extérieures, lesquelles ont été pointées du doigt, quant à leurs responsabilités dans la complication de la crise libyenne, lors de la conférence de Berlin sur la Libye.
Karima Bennour