Le mouvement populaire a signé hier son 53éme acte de mobilisation, à la veille du premier anniversaire de la révolte pacifique. Une véritable marée humaine a battu le pavé dans les rues de la capitale, comme ailleurs dans les autres wilayas du pays, pour souffler la première bougie de la protesta.
Jeunes et moins jeunes, des personnes âgées, de jeunes femmes mais aussi de beaux petits bambins, drapés dans l’emblème national, accompagnés de leurs parents qui ont tenu à participer à cette date symbole, un jour de 22 février historique, lorsque le mur de la peur a été brisé, et les langues ont été déliées pour dire basta à la hogra, et surtout à l’humiliation, en invitant tout bonnement les décideurs à céder la place aux personnes intègres pour soigner l’image du pays .
Quatorze heures tapante ; difficile de se frayer un chemin pour passer. De la rue Mourad Didouche à la rue Hocine Asselah en passant par Maurice Audin et la rue El Khatabi, les accès de la capitale étaient noirs de monde. Le génie populaire a encore innové en slogans et autres pancartes suivant, comme à chaque fois, l’évolution de la situation politique pour accorder les violons et répondre au pouvoir.
Les manifestants ont scandé des slogans à la gloire du Mouvement populaire qui boucle une année ce vendredi mais aussi pour exprimer les mêmes revendications à savoir : le départ du système et l’instauration d’un État civil de droit et de justice.
L’une des images marquantes lors de cette mobilisation populaire est cette série de l’emblème national rattachés les uns les autres où chaque drapeau porte le nom d’une des 48 wilayas du pays. Une manière pour les manifestants de dire aux adeptes de la politique de division que le peuple reste soudé et fraternel et qu’aucune force n’est en mesure de l’ébranler.
« Majinache nahtaflou, jina bah tarahlou » (On n’est pas venu pour la fête mais pour vous dégager) est de loin le slogan phare de cette énième protestation populaire en réponse au président de la République qui a décrété, la veille, la date du 22 février une Journée nationale pour la fraternité et la cohésion entre le peuple et son Armée pour la démocratie. Ou encore : « Les Algériens sont des frères et les autres sont au service de la France », clamé à haute voix par les manifestants, qui décrient la légitimité au pouvoir. « Nous sommes encore des révolutionnaires. Révolutionnaires toujours ! ». Une chanson hommage à l’une des icônes de la résistance « Fadma N’Summer » a été reprise par des femmes pour réitérer leur détermination à aller jusqu’au bout des revendications légitimes du mouvement citoyen.
Les vieux slogans chers aux manifestants ont été également repris avec joie par les manifestants répartis entre « Klitou lebled ya saraqin » (Vous avez dilapidé les richesses du pays : ô les voleurs), « Madania machi 3askaria » (État civil et non militaire » ou encore « Hna wled a3mirouche w lalour manwaliwche » (On est les dignes descendants du colonel Amirouche et on n’est pas prêts pour faire marche arrière) sont entre autres les slogans traditionnels par les protestataires pacifiques.
Les pancartes étaient également présentes et en bon nombre. « Le Hirak béni, le peuple uni pour la rupture avec le système honni », lit-on sur cette pancarte tenue « fièrement » par un jeune manifestant. Ou encore « Hna homa eliblilaa ah ya houkouma » « Nous sommes votre malédiction ô gouvernement », puisé directement dans le répertoire de wled el Bahja et rendue merveilleusement célébre par le chanteur Soolking. Les détenus politiques et d’opinion ne sont pas oubliés par les manifestants qui ont tenu à leur rendre un vibrant hommage en exhibant leurs photos, dont celle de l’homme politique Karim Tabbou, le journaliste et activiste Fodil Boumala ou encore celle du président du mouvement Raj de la société civile, Abdelawahab Fersaoui, toujours incarcérés pour des accusations « qui ne tiennent pas la route », même du point de vue juridique.
Il faut aussi signaler le retour en force en cette occasion de l’emblème Amazigh qui avait été interdit auparavant. Ce dernier a « timidement » refait surface depuis un peu de temps déjà, mais sa présence saute aux yeux, hier, au cours de cette marche pacifique.
Brahim Oubellil