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MONTAGE AUTOMOBILE : L’héritage empoisonné du ministre de l’Industrie

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L’un des dossiers – lourd – que le nouveau ministre de l’Industrie et des Mines, Ferhat Aït Ali Braham, aura à gérer dans les mois à venir, est, sans doute, celui du montage automobile.

Et cela pour au moins deux raisons : la première est que l’automobile est un secteur qu’on ne peut négliger si l’on veut sortir de la sempiternelle dépendance aux hydrocarbures, et la deuxième est que l’activité, telle que conçue par la gestion chaotique de l’ère « Bouteflika », est un vrai panier à crabes. Les scandales qui y sont rattachés et qui ont défrayé la chronique après le soulèvement populaire en sont la preuve irréfutable. C’est, en effet, face à un héritage empoisonné que Ferhat Aït Ali Braham se retrouve. Et il en a sûrement conscience, lui qui, avant d’être désigné à la tête du secteur, en a fait le décompte des tares. « J’ai toujours été critique, non pas sur l’œuvre des cadres ou des ministres qui se sont succédés, mais sur la vision. On dit que l’art est difficile, la critique est aisée. Aujourd’hui, je suis au pied du mur », a-t-il déclaré au lendemain de sa désignation à la tête du secteur de l’Industrie. Et s’agissant spécialement de l’automobile, les Algériens se rappellent encore des sommes astronomiques qui se sont défilées sur leurs écrans durant le procès qui a vu la condamnation de deux anciens premiers ministres (Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal), l’un à 15 ans et l’autre à 12 ans de prison ferme. Le tribunal de Sidi M’hamed avait également condamné par contumace, à 20 ans de prison ferme, l’ancien ministre de l’Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb. Et l’affaire était bel et bien celle du montage automobile qui a montré l’ampleur de la corruption à la tête même de l’état. De cette soi-disant « industrie » automobile, le patron d’Elsecom Motors, Abderrahmane Achaïbou, fera l’un des constats les plus amers : « en 20 ans, ce sont 50 milliards de dollars qui se sont évaporés dans ce mirage », a-t-il déclaré il y a quelques jours lors d’une manifestation scientifique organisée par des enseignants et des élèves de l’école polytechnique d’Alger.

« Escroquerie »
Il ne faut pas compter sur l’actuel ministre pour mettre des couleurs dans un tableau des plus sombres. «Toute cette industrie, y compris ceux qui assemblent les engins, tout ce qui est CKD, de la téléphonie jusqu’aux véhicules, ne faisaient qu’importer tous les composants du produit final qui arrivent déjà assemblés. Des fois même emballés », a-t-il déclaré sur le plateau d’une chaîne publique. Et d’ajouter catégorique : « ceux-là, si on ne leur importe pas à longueur d’année l’intégralité de leur chiffre d’affaires, ils fermeront. Le plus étonnant est que tout ce que j’ai pu constater de l’extérieur, j’ai pu le vérifier». Et lors d’une allocution à la presse en marge de la présentation du plan d’action du Gouvernement devant le Conseil de la nation, samedi 15 février, le ministre de l’Industrie remet ça : «les usines de montage automobile sont une escroquerie et n’ont aucune relation avec l’industrie réelle», a-t-il déclaré. Puis, comme pour atténuer ce qui s’apparente à une catastrophe : « Cette escroquerie ne dépend pas du ministère (…). C’est une escroquerie au nom de l’industrie. Les travailleurs (employés des usines de montage) sont, néanmoins, des victimes. Nous allons leur trouver une solution, en les employant dans des usines plus sérieuses ».

SNVI passe dans le giron de l’armée
Ferhat Aït Ali s’est également exprimé sur les tâches qui l’attendent à la tête de son ministère ainsi que sur les priorités. Il a évoqué, à cet effet, le nouveau cahier des charges relatif aux usines de montage que le génie populaire a qualifié – ce n’est pas aussi drôle que ça ! – d’« usines de gonflage de pneus». Ledit cahier de charges «sera prêt d’ici la mi-avril», dira le ministre qui a, en outre, précisé que le document en question verra le jour avec la mise en œuvre d’un «décret exécutif qui définira les nouvelles conditions» régissant l’activité de montage automobile en Algérie. Déplorant un manque à gagner du Trésor public, le même ministre a, pour rappel, annoncé la semaine dernière sa décision de geler les exonérations douanières et les avantages fiscaux accordés aux usines de montage automobile. Il a, par ailleurs, révélé que la Société nationale des véhicules industriels (SNVI), spécialisée dans la construction de véhicules industriels et de bus, sera rattachée dans un délai de 3 mois, à la Direction de fabrications militaires et ne dépendra donc plus du ministère de l’Industrie. «La SNVI va dépendre, d’ici deux à trois mois au maximum, de la Direction des fabrications militaires (DFM)», a-t-il noté. Un fardeau de moins ? Une amputation de plus ? C’est selon l’angle de vue. Cependant, cette décision était plutôt ressentie, puisque le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a, une dizaine de jours après son élection, estimé que « militaire est la seule industrie mécanique en Algérie». «Le secteur des industries militaires en Algérie doit servir de modèle aux opérateurs industriels en matière d’intégration», a-t-il, en effet, déclaré après avoir inauguré la 28e Foire de la production Algérienne «FPA 2019» au Palais des expositions. Que la SNVI passe dans le giron de la Direction des fabrications militaires – certainement pour lui éviter le sort qu’ont connu beaucoup d’entreprises publiques- n’est, dès lors, que (trop) logique.
Hamid F.

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