Aux facteurs exogènes qui pèsent habituellement sur les cours pétroliers s’ajoute l’avènement du coronavirus en Chine, qui semble, à l’heure actuelle, la première cause derrière la fluctuation des prix de l’or noir sur les marchés mondiaux. Les experts du domaine de l’énergie s’accordent à dire que les mesures drastiques prises au lendemain de l’apparition de l’épidémie, consistant en la fermeture des frontières par-ci, et les restrictions sur la mobilité des personnes et des marchandises par-là, en ont beaucoup influé.
D’où justement une réaction rapide des membres de l’OPEP et NON-OPEP, dont le comité technique conjoint (JTC) recommande de prolonger l’accord pétrolier portant réduction de la production jusqu’à fin 2020. Quoique jusque-là la proposition reste au stade de débat, l’expert en énergie, Abdelmadjid Attar, pense qu’une réduction de l’offre décidée par le Cartel et ses partenaires « est nécessaire » à l’effet de conforter le niveau des prix du pétrole.
Ainsi, dans un entretien accordé à l’Agence de presse nationale (APS), diffusé hier, l’ancien P-dg de Sonatrach, comme avis partagé par ses pairs aux questions énergétiques, tient des réponses qu’il a étoffées d’une analyse des causes derrière l’instabilité des marchés pétroliers. En effet, à la question de savoir si le coronavirus en représente la seule cause, Abdelmadjid Attar estime que « c’est effectivement » cette épidémie qui « est à l’origine de la baisse du prix du pétrole, parce qu’elle a eu des impacts négatifs sur tous les autres paramètres dont dépend le marché pétrolier, y compris les fondamentaux. » Et comme impact direct, l’expert relève une baisse importante de la consommation interne chinoise, estimée à 3 millions de baril/jour depuis le début de l’épidémie. « Une baisse causée par le recul des volumes raffinés, lui-même causé par une énorme baisse du trafic de transport terrestre, maritime et aérien, entrainant une hausse des stocks de carburants qui sont au maximum de leur niveau», explique Attar, précisant que cette réaction en chaine au sein du deuxième consommateur mondial de pétrole, a aussi des impacts négatifs sur tous les échanges commerciaux et industriels avec ses partenaires, qui entrainent automatiquement une baisse de la demande mondiale et une augmentation des stocks, surtout dans le secteur des transports, principal consommateur de pétrole. » À une autre question portant sur la durée que devrait connaitre l’instabilité des prix du pétrole, celui qui était également à la tête des Ressources en eau réplique : « La baisse est déjà importante puisque le baril a chuté à 54 dollars et pourrait encore continuer de baisser pour se situer entre 45 et 50 dollars dans les mois à venir, parce que cette épidémie a eu un impact sur la mobilité en Chine d’abord, puis entre la Chine et les autres pays. Et qui dit mobilité dit transport, un secteur énergivore et principal consommateur de pétrole. »
Toujours au sujet de l’impact du coronavirus, Attar ne pense pas moins que même si d’ici là la Chine aura réussi à venir à bout de l’épidémie, sur le plan médical entendre, les cours du pétrole ne retrouveraient pas une stabilité de sitôt. En cause, « nous sommes donc en face d’une situation qui peut probablement faire reculer la demande mondiale de pétrole en 2020, et dans le meilleur des cas le stabiliser au même niveau que 2019, ce qui signifie, dans les deux cas, un prix du baril très fragile», prévoit l’expert en énergie.
Qu’en est-il des recommandations du ministre algérien de l’Énergie, Mohamed Arkab, qui est également président de la Conférence de l’Opep, sur la nécessité de revoir à la baisse la production ? « À mon avis la prolongation de la réduction de la production est plus que nécessaire, mais insuffisante sur l’année 2020, au regard des incertitudes qui existent encore sur l’évolution de la situation en Chine au cours des prochains mois. Je pense qu’une réduction additive est à envisager sérieusement d’ici le mois de mars», analyse comme suggère Abdelmadjid Attar.
Farid Guellil