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MAUVAISE GESTION, NéGLIGENCES MANIFESTES, ERREURS MÉDICALES, ABSENCE DE CONTRÔLE… La Santé va mal de ses hôpitaux publics

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«En Algérie, il vaut mieux ne pas tomber malade !» Cette expression que répètent les Algériennes et Algériens et qui résume à elle seule l’état très dégradé dans lequel se trouvent nos hôpitaux aujourd’hui. Des parturientes qui décèdent faute d’une prise en charge à temps, violences contres les médecins, matériel vétuste lorsqu’encore il existe, lieux infectes de déchets et d’insectes, lits partagés par plusieurs patients quand ceux-ci ne sont pas assis à même le sol; la situation est très alarmante et va de mal en pis à cause notamment des coupes budgétaires de plusieurs institutions hospitalières, imposées par la crise politique. Face à l’indifférence des responsables de la Santé publique dans le pays, des citoyens et même des médecins publient quotidiennement de nombreuses photos et vidéos sur les réseaux sociaux pour dénoncer l’état des hôpitaux publics et les services qui y sont dispensés aux patients. Hier encore, les Algériens se sont réveillés sur un événement plus que choquant et à la limite du soutenable. Huit nouveau-nés sont décédés, brûlés et asphyxiés, suite à un incendie qui s’est déclaré, très tôt dans la matinée de cette journée à l’hôpital Mère-Enfant de la wilaya d’El-Oued, selon un bilan de la Protection civile. A priori, le ministère de la Santé soupçonne la cause d’un court-circuit d’un appareil anti-moustique. Cet incident mortel a provoqué des sanctions : fin de fonctions pour le directeur de la Santé (DSP) d’El-Oued, le directeur de l’établissement hospitalier en question ainsi que l’ensemble de l’équipe médicale qui assurait la garde cette nuit. Pour exprimer leur colère et indignation, la plupart des internautes ont affiché depuis hier des profils Facebook en noir en signe de tristesse et de deuil. La cause de ce drame, un court-circuit provoqué par un appareil acheté à quelques dinars mais qui a engendré des pertes humaines et des pertes en milliards de DA, renseigne que nos structures hospitalières, qui manquent cruellement de matériel adéquat et nécessaire. En fait, confrontés à des insuffisances ou des retards dans la livraison des outils nécessaires, les soignants se voient contraints de faire avec les moyens déjà disponibles lorsqu’ils se trouvent devant des situations d’urgence. Malheureusement, cela se fait au dépend de la sécurité et des règles élémentaires de la prévention. Il en va aussi pour les services offerts aux patients et leurs familles : nourriture souvent ne répondant pas aux normes ou à la diète prescrite par les médecins, insuffisance en moyens d’accueils et en lits.
Dans certains hôpitaux, il est même impossible de trouver une chaise roulante ou une civière pour transporter un malade en urgence. Face à un staff médical souvent désabusé ou insuffisant, des incidents et actes de violences se produisent souvent entre les familles accompagnant le patient et les soignants. Ces derniers qui ont fini par exprimerclairement leur refus à être la première victime d’un secteur qui peine de plus en plus à accomplir sa mission. Et la mal-gestion est le coup qui viendra achever le peu d’humanisme qui reste de nos hôpitaux. Quelques mois avant, des images d’un scanner neuf abandonné dans la rue devant un établissement hospitalier public a fait scandaliser les citoyens qui ont relayé et partagé cette vidéo. Mais, comme d’habitude, cela n’a fait point réagir les autorités compétentes pour ouvrir une enquête. Un secteur qui ne cesse d’engloutir des milliards de DA, mais sans résultats ou amélioration concrets pour les patients. Ce qui pose des milliers de questions, toutes légitimes semblent-elles, sur la destination finale de ces sommes colossales d’argent et les soupçons de détournement de ces fonds publics.
Pourtant, les spécialistes de la santé et les associations n’ont pas cessé de tirer la sonnette d’alarme ces derniers temps. Dans certains établissements, il n’y a même pas de groupes électrogènes pour assurer l’alimentation électronique dans les cas de coupures d’électricité alors que ces moyens sont primordiaux notamment dans les régions éloignées et isolées. Dans une vidéo qui a largement circulé sur les réseaux sociaux l’année dernière dans l’un des hôpitaux du pays, on voit un médecin-chirurgien contraint, après une coupure d’électricité dans le bloc opératoire, de poursuivre l’opération à l’aide de la torche de son téléphone portable. Dans la plupart des cas, les responsables de la Santé ne font que dans les réactions, souvent intempestives et non étudiées, et n’intervenant que par des solutions faciles dont le premier objectif est de braquer les lumières des caméras des journalistes avant de chercher de résoudre les problèmes. Le professeur Mustapha Khiati, président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (FOREM), a déploré, hier sur les colonnes du Courrier d’Algérie, «l’absence d’une stratégie globale et claire de la Santé en Algérie». «Il faut revoir la politique sanitaire dans le pays. Qu’est-ce qu’on veut? C’est-à-dire définir nos objectifs : Est-ce qu’on veut assurer seulement les soins de santé primaire et les soins de santé secondaire? Est-ce qu’on veut faire de la médecine de haut niveau? C’est ici que se situe la problématique parce que chaque réponse a ses suites», a-t-il affirmé. Khiati a fustigé également la dernière mesure prise par le gouvernement et visant à lutter contre les déserts médicaux en procédant à la multiplication des salaires des praticiens qui souhaiteraient exercer ou exerçant au Sud et dans les Hauts Plateaux. Le Syndicat national des enseignants chercheurs hospitalo-universitaires a critiqué également cette mesure en dénonçant «des demi-solutions qui aggravent la situation que vit notre secteur au lieu de l’améliorer». Les responsables qui se sont succédés à la tête du ministère de la Santé ont marqué beaucoup plus la mémoire des Algériens par leurs bourdes monumentales plus que par leurs exploits dans ce secteur névralgique. Le règne du dernier ministre sous Bouteflika, Mokhtar Hasbellaoui, aura été marqué par les protestations des médecins résidents, les pénuries de médicaments et aussi le scandale révélé par la presse nationale, lorsque le ministre a fait le choix d’un hôpital français pour emmener sa femme accoucher, de surcroît en pleine période du drame du décès, d’une parturiente (elle et son bébé) à Djelfa, en 2017. Son prédécesseur, Abdelmalek Boudiaf, a été réputé par l’affaire dite d’«escroquerie» du complément alimentaire RHB (Rahmet Rabi) et aussi ses démêlés récents avec la Justice qui l’a convoqué pour répondre à des accusations de corruption datant de l’époque où il avait été wali d’Oran. Djamel Ould Abbès, qui croupit actuellement à la prison d’El-Harrach, lui, n’est pas le mieux loti avec ses longues et innombrables affaires de justice. Sur ce, et d’ailleurs, le président de la FOREM déplore la non-implication des professionnels de la Santé et les syndicats de secteurs dans l’élaboration des politiques sanitaires. «Chaque ministre qui arrive se considère comme s’il est au courant de tout et sait tout. C’est cela le drame de nos ministres aujourd’hui, et c’est pour cela qu’ils n’aillent pas plus loin. Nous avons toujours dit que la Santé est un patrimoine commun et qu’il faut demander l’avis de tous les acteurs impliqués avant de décider quoi que ce soit», a-t-il regretté.
Hamid Mecheri

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