Les députés du Front des forces socialistes (FFS) vont remettre ensemble, au courant de cette semaine, leur démission de l’Assemblée populaire nationale et du Conseil de la nation, pour marquer leur adhésion avec le mouvement populaire et citoyen.
Pour l’ancien sénateur Brahim Meziani, l’instance présidentielle du parti « a pris la décision politique de retirer tous nos députés. Durant cette semaine, tous les députés FFS vont remettre définitivement leur démission à l’APN et au Sénat ». Cette mesure « est une procédure parmi tant d’autres prises par la direction du parti », soutient Meziani, et ce pour contester «la légitimité» du système en place et appeler au changement. La démission de tous les députés FFS semble peu probable, étant donné qu’une grande partie de ces derniers, appuyés par les deux membres du Présidium, Hayat Tayati et Sofiane Chouikh, ont organisé, vendredi dernier, une session extraordinaire du Conseil national, défiant ainsi la direction de l’instance présidentielle. « Notre participation dans les récentes élections législatives et sénatoriales n’a été que pour avoir un espace d’expression et aussi pour utiliser l’immunité parlementaire pour défendre les militants des droits humains et tous les militants opprimés partout en Algérie », a justifié Meziani, sur le plateau de la chaîne privée «El Bilad». Et le coup a été donné par le coordinateur de l’instance présidentielle, Ali Laskri notamment, qui a été le premier à remettre son mandat à l’Assemblée nationale, mettant ainsi en exécution la décision prise par la direction politique du parti, tranchée le 6 mars dernier, et laquelle mesure consistait donc en le retrait de tous les députés FFS des deux chambres du Parlement.
Divergences sur une alternative à la crise
La démarche a été aussitôt contestée par les députés et sénateurs, mais également par des cadres du Front. Tous ont accusé Ali Laskri d’avoir pris cette mesure de façon «unilatérale», et «sans obtenir au préalable» l’aval des membres du Conseil national ou, du moins, l’accord des parlementaires eux-mêmes. Une bonne occasion offerte à ses détracteurs, qui lui ont fait rappeler quelques «vieilles casseroles», dont l’exclusion de Salima Ghezali et Chafâa Bouaïche des rangs du parti.
Déterminés à ne pas lui donner raison, les élus du FFS ont gelé leurs activités dans les deux chambres du Parlement pour éviter de s’inscrire en porte-à-faux avec le soulèvement populaire, mais n’ont pas remis leur mandat définitivement. Un tel imbroglio caractérisé par des démissions-dissensions dans les rangs du vieux parti d’opposition, faut-il le souligner, n’est pas nouveau dans la formation politique de l’opposition et a eu cours depuis la disparition du leader charismatique, Hocine Aït Ahmed, fondateur symbole du parti. Au sein de la direction politique, on tente de minimiser l’ampleur de ces départs. « C’est un signe de bonne santé du parti », estimait Meziani dans un premier temps. Avant de se faire rattraper quelque peu pour mettre en avant que les désaccords survenus au sein du parti ont tourné autour du respect du règlement intérieur et des textes statutaires. «Dans chaque parti politique il y a un règlement intérieur et une loi fondamentale que doit respecter chaque militant. Celui qui est contre ce règlement intérieur et l’orientation politique de du parti n’a qu’à quitter ou créer son propre parti », se défend Meziani. Derrière ces litiges internes au parti, on ne peut ne pas évoquer le rapport du FFS avec le contexte politique en cours dans le pays. Ainsi, la formation politique de l’opposition a jusque-là refusé d’adhérer à la feuille de route lancée récemment par bon nombre de partis et personnalités de l’opposition, réunis à la fin de cette semaine, chez Abdallah Djaballah, président du FJD, où la question de la création d’une instance présidentielle qui devrait gérer une période de transition de trois mois a été discutée.
Et Meziani justifie : «En fin de compte, on revient à la case de départ ». «Nous, on est contre cette démarche qu’au bout de 3 mois, on va organiser des élections. C’est-à-dire, c’est le système qui va revenir de la même manière. Aujourd’hui, le peuple algérien s’est soulevé pour dire à ce système de partir, lui dire dégage. Mais, il est impossible de partir au bout de trois mois », a précisé encore Meziani. Le FFS compte mettre sur les rails sa propre démarche: «dans les prochains jours, on va faire une mise à jour de notre projet de propositions de sortie de crise lancé en 2004, lequel définit bien notre vision de la solution», a déclaré Meziani. «Après le 28 avril, on propose d’aller vers un dialogue au sein d’une Instance présidentielle pour gérer les affaires après le départ du président Bouteflika, incluant tous les partenaires politiques. Ensuite on va aller vers une période de transition avec un gouvernement de transition», a ajouté le député de Tizi-Ouzou. Cependant, il reste pessimiste : «jusqu’à aujourd’hui, il y a des signes qui font apparaitre que le système ne veut pas partir. Il n’y a aucune volonté de ce système pour un changement ».
Hamid Mecheri