Étrange et instructif, le reportage diffusé par France24 il y a quelques jours. Etrange, parce qu’on y découvre une armée de combat, à la lisière des frontières avec l’Algérie, une armée de mercenaires, une multinationale de la sous-traitance de la guerre au profit de la France, un contingent de soldats hyper-entraînés dont le seul but, voire la seule raison de vivre et de faire la guerre et de la gagner; instructif aussi, parce qu’on y apprend des choses sur ce qui se passe en sous-sol aux portes sud de l’Algérie, dans le Nord-Mali et dans la vaste bande saharo-sahélienne.
Le reportage porte sur la Légion étrangère de l’armée française en Afrique. Selon les promoteurs de ce reportage, c’est une armée « nimbée d’une aura de prestige et de mystère, la Légion étrangère est redoutée des ennemis de la France et parfois enviée par ses alliés. Son mode de fonctionnement est unique : elle recrute des hommes venus du monde entier pour servir la France, un pays qui n’est pas le leur. Les légionnaires apprennent à se battre, à vivre ensemble, à faire corps ». Le reportage porte sur la partie visible et « regardable » de cette Légion étrangère, non sur sa face cachée, dont on peut ressentir son côté hideux dans les déclarations à la presse malienne des populations sahéliennes. Le reportage donne la devise de cette Légion de combattants : « Legio Patria Nostra » (« La Légion est notre patrie »), dont les membres viennent du monde entier : Europe, Afrique, Asie ou encore Amérique. « En France, ils sont 8 900, issus de 140 nationalités différentes. Un recrutement unique dans le monde ». Pour les reporters (qui ont été gracieusement transportés par l’armée et auxquels toutes les portes du reportage ont été ouvertes suivant un agenda précis), « loin de leur pays de naissance et de leur famille, ces hommes apprennent à se battre, à servir et à vivre ensemble. Ils apprennent avant tout à faire corps avec leurs différences culturelles. Lorsqu’ils s’engagent, ils ont entre 17 et 40 ans et ne parlent pas toujours français. La plupart d’entre eux a eu une vie avant la Légion étrangère. Certains y font leur carrière, d’autres la quitteront… La Légion exige une rigueur absolue. Y entrer est difficile, mais y rester aussi ». Tout cela rappelle curieusement et malheureusement, les armées levées avec les autochtones algériens : zouaves, tirailleurs et spahis ont connu dès 1840 (et jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1945) pareille aventure, en plus pire, en plus abominable. Ce furent des contingents morts pour la France à Sébastopol, dans la Crimée, au Mexique, en Italie et en Autriche, et parfois même utilisés contre leurs propres coreligionnaires algériens, pour réprimer un soulèvement ou mettre en échec une sédition locale. Cette Légion étrangère française rappelle aussi par plusieurs de ses aspects les légions romaines, dont elle tire apparemment ses références : «En échange d’une nouvelle vie, les légionnaires renoncent à certaines de leurs libertés. Pendant les deux premières années, avant d’être « Régularisés de situation militaire » (RSM), ils ne possèdent pas de papiers d’identité civils et servent sous un nom d’emprunt. Pendant toute la durée de leur contrat initial, les cinq premières années, ils ne peuvent ni se marier, ni avoir d’enfants et ne peuvent pas devenir propriétaires. En somme, ils épousent la Légion ». Au Nord-Mali, pour rester dans les faits, l’implication de cette Légion ne fait pas toujours consensus. Ni la Légion, ni même Barkhane ne sont arrivés à des résultats positifs, ni pour les populations locales, ni contre les groupes se réclamant de l’islamisme. Cela reste tout de même un reportage qu’il faut encore revoir dans ses moindres détails, et faire des lectures en deux plans de coupe pour comprendre ce qui n’a pas été diffusé, ou même dit. Et qui devait être le plus intéressant…
F. O.