Malgré une semaine chargée d’évènements : libération de la grande majorité des détenus d’opinion et la divulgation de la nouvelle composante du gouvernement, la mobilisation populaire et citoyenne de vendredi ne montre aucun signe de fléchissement.
Vendredi 3 janvier, 12H00 à Alger-Centre : les premiers rassemblements se sont constitués déjà devant la Faculté centrale et tentant de descendre vers la Grande Poste, mais empêchés par un barrage des forces de l’ordre. Les manifestants, déployant un grand drapeau national, ont entonné d’abord l’hymne national. S’en suivront des chants innovés comme d’habitude pour la circonstance, ciblant le nouveau Président. « Dégagez, Had Cha3b Machi 3aggoune ! », ont-ils crié. « Sam3ou Sam3ou Ya Nass, Abane Khla wssya, Dawla Madanya, Machi 3askarya ! », (Écoutez nous bien, Abane nous a laissé un testament : un État civil et non pas militaire !), ont répété les manifestants qui ont tenu encore à rendre hommage à celui qui avait introduit le fameux principe de primauté du civil sur le militaire et de l’intérieur sur l’extérieur dans la plate-forme de la Soummam.
D’autres ont chanté : « Mazalagh Dhimazighen!», (Nous sommes des Imazighens et nous le resterons !». Alors que d’autres ont fredonné : « Khawa Khawa Makanch Jihawya !», (Nous sommes des frères, pas de régionalisme !).
Une manifestante a brandi cette pancarte : « Le peuple veut l’indépendance et une véritable liberté ! » Le député démissionnaire Khaled Tazaghart et l’écrivain et journaliste Saâd Bouakba ont été les premiers à marquer leur présence. Un des manifestants interpelle ce dernier sur sa lecture de la nouvelle composante du Gouvernement dévoilée la veille, jeudi soir. « Ce gouvernement n’est en fait qu’un partage des gains. Il ne s’agit nullement de partage de postes gouvernementaux », a-t-il rétorqué, qualifiant les nouveaux ministres de « collectif des bénéficiaires de la coopérative du gouvernement ». La présence policière a été très renforcée comme d’habitude, mais l’attitude des éléments anti-émeute a été conciliante envers les manifestants. Leur approchement des manifestants se limite uniquement dans l’objectif de les prier à céder une partie de la route devant la circulation routière.
Vers 13H, les manifestants ont remonté au boulevard Didouche Mourad, où, la veille, des appels ont circulé sur les réseaux sociaux pour organiser une marche à 13H30 pour rendre hommage aux détenus d’opinion libérés et réclamer la relaxe des autres encore derrière les barreaux. Des slogans et des chants ont été créés pour la circonstance. D’autres ont récité des poèmes vantant le courage de ces détenus et le rêve d’une Algérie libre et démocratique.
Des portraits de Bouregâa, Tabbou, Belarbi …
D’ailleurs beaucoup de ces détenus libérés la veille ont tenu à rejoindre la marche d’hier. La grande prière de vendredi accomplie dans la mosquée d’El Rahma d’à côté, une grande procession s’est ébranlée pour se propager sur tous les axes d’Alger-Centre. Les portraits de Lakhdar Bouregrâa, Karim Tabbou et Samir Belarbi trônent côte-à-côte avec ceux des Aït Ahmed, Abane Ramdane, le colonel Amirouche, Hassiba Ben Bouali et Mohamed Khider, dont la journée d’hier marque le 52ème anniversaire de son assassinat.
Des citoyens ont brandi plusieurs pancartes qui se succèdent et donnent la phrase suivante : « Un seul héros et une seule légitimité : le peuple. Libérez les détenus ! » Sur une pancarte, on peut lire : « Plus vous continuez à nous provoquer. Plus nous sommes déterminés à continuer notre action jusqu’au bout» Sur une autre avec un arrière-plan en drapeau national, on lit : « V 46, Nous sommes des résistants!» Un autre a énuméré sur un tableau bleu les principales revendications du Hirak : « Abrogation des lois liberticides, consacrer des espaces de regroupements et de débats citoyens dans chaque ville, respecter les libertés syndicales dans toutes les entreprises, consacrer l’indépendance de la Justice et libérer le président de la République et le ministre de la Justice de la charge de présider le Haut conseil de la magistrature, renouvellement de la scène politique et l’ouverture de champ politique en permettant l’émergence de nouveaux partis». Une autre manifestante a brandi d’autres revendications : « Autoriser l’ouverture de nouvelles chaînes TV et la fermeture des chaînes diffusant de la propagande et de la haine ». Les Hirakistes ont fait savoir hier leur colère contre les médias nationaux, notamment audiovisuels, qui ont exercé un « véritable blackout » et une « désinformation » contre le Mouvement populaire. Des manifestants ont brandi des écriteaux en anglais : « Our Dream Will Come True !», (Notre rêve deviendra une réalité !), « We Will Never Bow Down», (Jamais nous n’abdiquerons). À 16H, tous les boulevards d’Alger-Centre ont été submergés par les manifestants qui continuaient à affluer des quartiers limitrophes.
Hamid Mecheri