Selon l’ONU, des frappes aériennes ont touché de plein fouet une importante cérémonie funéraire, samedi, dans la ville contrôlée par des rebelles chiites.
L’Arabie saoudite était de nouveau, dimanche, sur la sellette au lendemain d’un carnage ayant fait plus de 140 morts dans la capitale yéménite Sanaa, qui a poussé Washington à prendre plus de distance avec Riyad. Selon l’ONU, des frappes aériennes ont touché de plein fouet une importante cérémonie funéraire, samedi, dans la ville contrôlée par des rebelles chiites. Elles ont fait aussi 525 blessés, selon un dernier bilan.
La coalition arabe conduite par l’Arabie saoudite a nié dans un premier temps toute implication, avant de publier un communiqué dans la nuit annonçant une enquête « immédiate ». Cette attaque a été dénoncée par Washington, Téhéran, la Croix-Rouge internationale et le coordinateur humanitaire de l’ONU pour le Yémen. « Profondément troublés », les États-Unis, alliés de Riyad, ont annoncé le réexamen de leur soutien à la coalition qui avait déjà été réduit ces derniers mois. « La coopération sécuritaire des États-Unis avec l’Arabie saoudite n’est pas un chèque en blanc », a affirmé Ned Price, porte-parole du Conseil de sécurité nationale à la Maison-Blanche.
Les relations entre Washington et Riyad n’ont cessé de se détériorer ces deux dernières années, en particulier après une amorce de rapprochement américano-iranien. L’objectif de la coalition arabe est de rétablir l’autorité du gouvernement yéménite reconnu par la communauté internationale sur l’ensemble du pays, en partie contrôlé par les rebelles chiites houthis qui se sont emparés de Sanaa il y a deux ans. L’Iran, qui soutient les Houthis, a vivement réagi. Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Bahram Ghasemi, « a condamné fermement les frappes » saoudiennes, les qualifiant de « crime épouvantable contre l’humanité ».
Victimes collatérales
Depuis le début du conflit actuel, en mars 2015, des centaines de civils ont été des victimes collatérales de raids aériens attribués à la coalition sous commandement saoudien. Dans un communiqué, le CICR s’est dit « horrifié » par ces nouvelles pertes « monstrueuses » de vies civiles. Robert Mardini, son directeur pour le Moyen-Orient, a indiqué que le CICR faisait son possible pour apporter des secours, précisant par ailleurs avoir « fourni 300 sacs mortuaires jusqu’ici » pour évacuer les cadavres. Le coordinateur humanitaire de l’ONU au Yémen, Jamie McGoldrick, n’a pas mâché ses mots. « La communauté humanitaire du Yémen est choquée et scandalisée par les raids aériens qui ont visé une salle publique où des milliers de personnes participaient à une cérémonie funéraire. » Ces personnes étaient venues présenter leurs condoléances pour la mort du père du « ministre de l’Intérieur » des rebelles, Jalal al-Rouichène.
Le maire de la capitale Sanaa, Abdel Qader Hilal, figure parmi les morts, a indiqué Al-Masirah, la chaîne TV des Houthis. Il n’est pas exclu que d’autres hauts responsables rebelles aient été tués samedi. « Un avion a tiré un missile contre la salle et, quelques minutes après, un deuxième appareil a bombardé le site », a indiqué un témoin, qui s’est identifié par son prénom, Moujahid. Le général Jalal al-Rouichène, qui avait été nommé ministre de l’Intérieur par le président Abd Rabbo Mansour Hadi, est resté en poste après la conquête de Sanaa par les rebelles en septembre 2014. L’attaque « ne restera pas impunie » Le gouvernement yéménite, qui avait dû fuir le pays en février 2015, tente actuellement de regagner le terrain perdu, avec l’appui de la coalition arabe. Il a renforcé ses positions dans le Sud, mais peine à reconquérir les régions du Nord. Des tentatives de favoriser un règlement politique ont échoué en août dernier lors de pourparlers de paix inter-yéménites sous l’égide de l’ONU au Koweït. Vendredi, le médiateur de l’ONU Ismaïl Ould Cheikh Ahmed avait évoqué la possibilité d’instaurer une trêve de 72 heures, mais c’était avant le carnage de Sanaa.
L’attaque « ne restera pas impunie », a prévenu le Conseil politique suprême, mis en place récemment par les Houthis et leurs alliés, les partisans de l’ex-président Ali Abdallah Saleh. Il a appelé ses partisans à « user de tous les moyens pour répondre à ce crime ». Le Conseil a en outre appelé les Yéménites à participer dimanche à une manifestation devant le bureau de l’ONU à Sanaa, pour protester contre « les crimes de guerre » de la coalition. Le rassemblement a été baptisé « Volcan de la colère ».