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Turquie : une répression de grande ampleur

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Le contre-coup d’Etat de Erdogan dépasse les limites d’une purge réfléchie et planifiée depuis fort longtemps par un chef d’Etat qui veut tous les pouvoirs et s’apparente a une véritable épuration. Ainsi après avoir arrêté plus de 10.000 militaires et plus de 35 000 fonctionnaires de tous les secteurs d’activité (éducation, justice, armée, intérieur, etc.) sont soit détenus, soit suspendus. Erdogan, s’en prend aussi aux médias. l’organisme correspondant au Conseil supérieur de l’audiovisuel, le RTUK, vient d’annoncer le retrait des licences des chaînes de radio et de la télévision qui sont supposées avoir des liens avec le prédicateur Fethullah Gülen, à savoir Samanyolu TV and radio, Yumurcak TV, KanalTürk TV and radio, Mehtap TV and Radio. Après les incarcérations de plus de 70 journalistes au cours des dernières années, des mesures de mise sous tutelle de plusieurs journaux, Erdogan franchit une nouvelle étape dans la mise en place d’un régime autoritaire « soft », où toute forme d’opposition sera muselée , pour garantir l’hégémonie de l’AKP. Le SNJ-CGT français a adressé un message de solidarité à ses collègues journalistes turcs dans ces « moments dramatiques et les assure de tout mettre en œuvre pour que la répression cesse ». En Turquie les positions sont divergentes sur la répression post coup d’Etat avortée et qui touche toutes les couches de la société sous couvert de sympathie ou d’appartenance au Parti de l’ennemi juré de Erdogan, Gulen Fethullah , exilé aux Etats-Unis et dont l’extradition a été officiellement demandée à Washington.

Il est vrai que nombreux sont ceux qui s’opposent à Recep Tayyip Erdogan, mais ils sont nombreux aussi ceux qui craignent bien davantage l’arrivée au pouvoir de l’armée certes laique mais mal aimée. Ainsi tous les ennemis du chef de l’AKP, dont les Kurdes, à travers le HDP (parti prokurde) et le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), ont unanimement condamné le coup d’État du 15 juillet où une partie de l’armée turque a tenté de perpétrer un putsch. Un premier temps silencieux, le HDP a publié un communiqué, juste après la déclaration d’un autre parti d’opposition, le MHP (Parti du mouvement national, ultranationaliste), condamnant les putschistes et affirmant son opposition totale « à toutes sortes de coups d’État, quelles que soient les circonstances ».
Il faut se demander pourquoi les Kurdes ont-ils décidé de soutenir le président turc alors même que celui-ci leur mène une véritable guerre devenue plus intense en 2015, pendant et après les élections législatives de juin ? Si le HDP a dénoncé le coup d’État, c’est qu’il « a souhaité soutenir la démocratie, aussi imparfaite soit-elle », selon les déclarations de Dlawer Ala’Aldeen, président du Middle East Research Institute (Meri) et ancien ministre de l’Éducation et de la Recherche scientifique du Kurdistan irakien (2009-2012). « En aucun cas, les Kurdes n’auraient souhaité revivre les périodes passées , où l’armée était au pouvoir » ,a-t-il ajouté .L’armée turque n’a en effet jamais été encline à négocier en faveur de la cause kurde, menant une politique ultra répressive dans les années 70 et après le coup d’État militaire de 1980. « La bête noire du mouvement national kurde a toujours été l’armée », souligne Bayram Balci, chercheur en Sciences Politiques ) et spécialiste de la Turquie. Selon lui, il était inacceptable pour les Kurdes de soutenir le coup d’État, car cela aurait été leur pire cauchemar que de voir l’armée arriver au pouvoir, lui préférant même Erdogan.De son côté le journaliste Chérif Amir , spécialiste de la Turquie relève , dans son Blog sur l’Agence russe Sputnik de nombreuses « anomalies » d’un putsch auquel il ne croit pas et avance même la thèse d’un « faux coup d’État ».Il note que les médias turcs ont déclaré que les putschistes – avaient bloqué l’accès aux réseaux sociaux comme Facebook et Twitter alors que « 30 minutes après le déclenchement du coup d’État –, le Premier ministre turc, Binali Yildirim, a commencé à envoyer des messages sur son compte Twitter, déclarant qu’un coup d’État était en cours ». D’autres messages ont été publiés sans cesse durant les six heures de ce « coup d’État ». Il relève par ailleurs que le nombre des effectifs et des véhicules utilisés pour le coup d’Etat « était très faible par rapport aux moyens normalement requis dans l’opération gigantesque que représente un véritable coup d’État ». (… ) Selon l’analyste c’est finalement l’arrestation de plus de 10.000 militaires, de plus de 8.000 policiers et de plus de 2.000 juges qui explique beaucoup de choses. Il estime que l’armée turque, après « cette humiliation par ses dirigeants sur son territoire, ne pourra jamais reconquérir sa puissance. » .
M. Bendib

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