Partie de In-Salah, mardi dernier, la contestation sociale contre l’exploitation du gaz de schiste s’est propagée comme une traînée de poudre dans la région sud du pays. Au chef-lieu de la wilaya de Tamanrasset, c’était au tour principalement des étudiants du centre universitaire Hadj-Moussa-Akhamoukh de tenir un rassemblement devant le siège de l’APC de la localité avant d’entamer une marche en direction du siège de la wilaya de Tamanrasset. Dans leurs déclarations, les protestataires de Tamanrasset, tout en entonnant des slogans, ont déclaré s’être mobilisés en signe de solidarité avec les citoyens de In-Salah. Réagissant, les autorités locales puis à leur suite les autorités centrales se sont dépêchées afin de dénouer les écheveaux de cette crise. En fait, le déplacement du wali de Tamanrasset, Mahmoud Djamaâ, sur les lieux ou encore le branle-bas de combat du ministre de l’Énergie, Youcef Yousfi, dépêché sur place, n’ont pas eu l’effet escompté et n’ont pas du tout ébranlé la détermination des protestataires. Rien n’y fait puisque les protestataires réclament le déplacement du Premier ministre Abdelmalek Sellal en personne. En effet, Youcef Yousfi n’a reçu qu’un accueil mitigé de la part des contestataires et a dû se contenter d’une rencontre avec quelques élus et notables de la région.
Selon des rapports répercutés par la très officielle APS, le ministre a tenté lors d’une rencontre qui s’est déroulée jeudi dernier de calmer les esprits, assurant que l’exploitation du gaz de schiste dans la région ne comportait aucun danger. Il a de même appelé les représentants des protestataires à faire preuve de sagesse, s’évertuant à rassurer au sujet de cette exploitation. Il est même jusqu’à aller à proposer de dépêcher un groupe de protestataires, en compagnie d’experts, à l’étranger, pour en avoir le cœur net, déclarant que dans le cas contraire, il sera procédé à l’arrêt de l’exploitation du gaz de schiste dans la région. Les nouvelles techniques utilisées permettent une extraction «sans dangers» de ce type de gaz, a-t-il assuré. Le sud algérien renferme de grandes quantités de gaz de schiste qui de plus est «une des meilleures qualités», a affirmé le ministre. Le mouvement de protestation contre l’exploitation du gaz de schiste avait été enclenché mardi dernier à In-Salah et a été ponctué par un blocage de la RN-1 sur le tronçon reliant cette ville à El-Ménéa (Ghardaïa).
Les citoyens ne sont pas restés de marbre puisqu’ils ont organisé jeudi dernier un sit-in, devant les sièges de la commune et de la daïra, suivi d’une marche. Cité, un habitant de la localité a déclaré que cette action de protestation est menée en signe de solidarité avec les protestataires d’In-Salah mais aussi pour dénoncer l’extraction du gaz de schiste, jugée nuisible à l’environnement et à la nappe albienne. Mercredi dernier, les évènements ont donné lieu à une réunion d’urgence du bureau de l’APW de Tamanrasset, à l’issue de laquelle il a été appelé à «suspendre d’urgence, temporairement, le projet d’exploitation du gaz de schiste».
Selon les termes d’un communiqué rendu public, le bureau de l’APW a appelé Youcef Yousfi à «organiser une rencontre avec les représentants des protestataires, en vue de parvenir à une position consensuelle servant l’intérêt suprême du pays, préservant le calme et la sérénité, et évitant toute exploitation politique de cette action de protestation».
S’exprimant sur le sujet et intervenant sur les colonnes de notre journal, l’expert et économiste international Malek Serraï s’est montré solidaire avec le mouvement de protestation, déclarant que les Américains ont mis plus d’un siècle pour commencer à traiter dans certains endroits le gaz de schiste. La question du gaz de schiste en Algérie est inappropriée et inopportune pour l’instant, a affirmé Malek Serraï. «La réaction des citoyens d’In-Salah a été vive, et moi j’appuie les gens de Tamanrasset et je suis avec eux, je les soutiens», a-t-il également dit. De son côté, le SG du FLN, Amar Saâdani, s’est exprimé sur la question, affirmant que le gaz de schiste constitue un «acquis pour le peuple algérien ». «Personne n’a le droit de se prononcer sur ce sujet excepté les spécialistes», a-t-il encore martelé ajoutant : «Si l’Algérie parvient à extraire et à développer le gaz de schiste, elle en deviendra le premier pays exportateur».
Pour rappel, la classe politique s’est exprimée sur le gaz de schiste, un sujet brûlant d’actualité dont l’exploitation ne fait présentement pas l’unanimité. Pour rappel, le mouvement de protestation contre le projet d’exploitation du gaz de schiste «Dahr Lahmar», à 60 km au Sud de la capitale du Tidikelt (In-Salah), a été enclenché mardi dernier à In-Salah (700 km de Tamanrasset).
Le 27 décembre 2014, Youcef Yousfi a salué pompeusement le succès du premier forage pilote du gaz de schiste dans la région d’Ahnet, un puits situé à quelque 35 km de la ville d’In-Salah. «Ce forage confirme l’existence de réserves importantes de gaz de schiste dans le bassin de l’Ahnet», s’est félicité le ministre, tout en ajoutant que cela va «ouvrir de nouvelles perspectives économiques pour l’Algérie avec pas moins de 8 000 emplois pour 2015». Les travaux d’exploration du gaz de schiste ont été lancés par l’entreprise Sonatrach, associée à la major française Total qui détient une participation de 49% sur le permis Ahnet. L’entreprise française estime que ce bassin doit permettre d’assurer une production gazière d’au moins 4 milliards de mètres cubes par an. Selon un rapport daté de 2013 de l’Agence américaine US Energy Information Administration (EIA), le sous-sol algérien détient la troisième réserve mondiale de gaz de schiste récupérables, après la Chine et l’Argentine.
Mohamed Djamel
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