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LOTH BOUNATIRO, DR EN ASTRONOMIE ET SPECIALISTE DES CATASTROPHES NATURELLES, DONNE L’ALERTE AUX POUVOIRS PUBLICS ET MET EN GARDE : «L’Algérie connaîtra une année pluviométrique importante»

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À la veille de la période hivernale avec tous les aléas naturels qu’elle charrie et les conséquences catastrophiques qu’on lui connaît, le Forum du Courrier d’Algérie a fait appel à un chercheur algérien, très connu dans le domaine. En homme averti, Loth Bounatiro, Docteur en astronomie de formation, puisque c’est de lui qu’il s’agit, donne d’emblée l’alerte aux pouvoirs publics.

«Nous allons connaitre une année pluviométrique très importante. Donc les autorités doivent agir vite, dès à présent, pour réduire l’impact des intempéries sur la vie des Algériens et les biens du pays», a mis en garde celui qui déplore un manque d’écoute de la part des autorités pour les spécialistes de la science du climat et les scientifiques algériens. Preuve en est, les wilayas de Tizi Ouzou et de Boumerdès ont subi, samedi dernier, des dégâts matériels importants suite à de fortes chutes de pluies, qui ont laissé place à des routes coupées au trafic, des villes inondées, des bâtisses effondrées et une population toujours sous le choc. Les mesures d’urgence, suivies du lancement du plan Orsec ont-elles donné des résultats ? C’est peu dire pour une question. Et l’invité du Forum préfère exposer son plan de gestion des crises lié aux catastrophes climatiques. «Il faut savoir qu’aujourd’hui un pays développé est un pays qui sait gérer les risques majeurs, qu’ils soient naturels ou technologiques. Gérer les risques est une science étudiée dans les universités. Gérer les risques rentre même dans le concept de la bonne gouvernance», pose-t-il comme définition pour une problématique qui doit être «la première préoccupation des pouvoirs publics». De l’avis de Bounatiro, cette mission publique coule de source, car il s’agit de garantir le confort et d’assurer la sécurité pour les personnes mais aussi de maitriser les coûts des dégâts matériels pour le bien de l’économie nationale.

«Gérer un risque majeur c’est prévenir, prédire et agir à temps»
Le 22 octobre dernier, la gestion des risques majeurs a fait l’objet d’une rencontre nationale tenue sous les auspices du ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales. À l’issue de ce regroupement, les participants, entre décideurs publics et spécialistes du domaine, ont émis des recommandations. Il s’agit en somme d’identifier les risques patents dans le pays, d’approfondir les études et expertises, de sensibiliser les responsables et la population, de faire impliquer tout le monde dans un effort synergique et de mettre en place un réseau d’experts et de chercheurs dans le domaine. Si le plan du natif de la Casbah d’Alger ne constitue par forcément une alternative à la feuille de route du gouvernement, il a le mérite de s’attacher aux détails, à la méthodologie de travail du groupe, mais surtout à la mise en application de la procédure comme problème décrié par Bounatiro. «La gestion d’un risque majeur doit être axée sur la prévention, la prédiction et puis l’action sur le terrain», a laissé entendre notre invité. Ainsi, au titre de la prévention, Bounatiro plaide le développement de l’acte de bâtir (para-catastrophique), face aux phénomènes des incendies de forêt, coulées de lave, foudre, séismes etc. La préparation psychologique des citoyens et l’importance des gestes à faire dans pareils périls, l’entraide en matière de transfert des connaissances entre pays ainsi que l’acquisition d’un maximum d’informations sur l’incident survenu, sont aussi à prendre en considération. En deuxième lieu, il y a l’aspect prédiction de ces phénomènes. En d’autres termes, étudier d’abord le phénomène pour pourvoir prédire sa manifestation. Le chercheur algérien renvoie à la méthode de simulation des catastrophes par le moyen d’un logiciel informatique qui suppose, dans le cas d’un séisme par exemple, de déterminer son épicentre et les dégâts possibles à l’effet d’agir en conséquence. «Au lendemain du séisme de Boumerdès, on avait créé un Conseil scientifique sous l’autorité de Cherif Rahmani (Ex-ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement)», a rappelé Bounatiro, comme pour parler d’une méthode qui peut servir aujourd’hui puisqu’elle a déjà servi par le passé. Au titre de la formation, il y a lieu aussi, selon lui, de créer des branches universitaires dans ce domaine, dédiées à la recherche. Aussi, faut-il qu’il y ait des systèmes d’alertes précoces pour voir venir les incendies de forêt, séismes, inondations…suggère dans sa recette l’actuel enseignant-chercheur en tant que maitre de conférence à l’Université de Blida. «J’ai à mon actif un système précoce dédié aux incendies de forêt. Il consiste à en déterminer l’origine du départ de la flamme que tout le monde attribue, à tort, au facteur humain ou à un débris de verre. C’est la foudre qui est la cause. Il faut savoir que l’activité de la foudre ne s’arrête pas durant toute l’année. Toutefois, les conditions climatiques prévalant en été facilitent le déclenchement du feu», explique le chercheur algérien qui dit détenir un brevet international pour son invention. Cependant, Bounatiro regrette le fait que son système n’ait pas été accueilli favorablement dans le pays. «Je l’ai proposé à la wilaya de Blida pour son lancement dans une opération pilote. Mais le changement des responsables à sa tête ont fait qu’aucune suite n’a été donnée au projet», a-t-il témoigné.

«Le plan Orsec doit être déclenché en 10 à 15 minutes»
Adepte de la théorie des phénomènes périodiques et cycliques de la nature, et accordant peu de crédit au concept de changement climatique, malgré une cause commune au monde entier, Bounatiro dit qu’il faudra prendre très au sérieux les phénomènes naturels qui touchent l’Algérie au risque de revivre le cauchemar des derniers désastres qui marquent encore les esprits. Après donc les méthodes de prévention et de prédiction, il y a lieu d’agir en fonction des données recueillies. En Algérie, l’on dispose du plan Orsec (Organisation des secours), lequel «doit être déclenché dans l’urgence, dans les 10 ou 15 minutes après la survenance du phénomène naturel, par le simulateur informatique. Il s’agit d’identifier la zone où s’est produit le phénomène, estimer les dégâts et porter secours aux sinistrés. Si on agit vite et avec efficacité on peut limiter les dégâts. C’est aussi important pour la gestion des secours au profit des victimes. Mais tout doit se préparer à l’avance», prévient le spécialiste des aléas climatiques.

«On est des champions dans la législation. Le problème réside dans l’application»
Le tableau de la situation n’est plus à démontrer, en effet, pour dire combien il serait important de suivre ces mesures à la lettre. Le mauvais souvenir des inondations meurtrières de Bab El-Oued, à Alger, du 10 novembre 2001, à l’origine de près d’un millier de morts, de dizaines de blessés et de dégâts matériels incommensurables, est toujours là. Le séisme de Boumerdès du 21 mai 2013 l’est tout autant: 2.278 morts, plus de 10.000 disparus et des bâtisses tombées en ruine en entier. Tout récemment, les wilayas du centre du pays ont frôlé la catastrophe avec les chutes de pluies qui ont causé des dégâts matériels importants. Aujourd’hui, a-t-on retenu les leçons du passé ? Rien n’est moins sûr, encore moins les citoyens qui craignent sur leurs vies à la première goutte d’eau qui tombe du ciel. Quand bien même en effet des lois ont été promulguées, suivies de plans d’action qui n’ont rien à envier à ceux en cours dans d’autres pays, le problème, à en croire le conférencier, réside dans l’application. «On est champions dans la législation. On l’est encore sur le plan de l’initiative individuelle. Mais on est toujours confronté au problème de l’application des recommandations. La mise en œuvre des mesures sont confrontées au problème du travail collectif, de la coordination», a émis comme réserve Bounatiro. Abordant les prévisions climatiques, l’invité du Forum prévient quant à une année pluviométrique «importante». À ce titre, il met en garde les autorités quant à la baisse de la garde. En revanche, il soutient une réaction urgente pour éviter que les scénarios du passé se reproduisent avec tout le lot des victimes, blessés, dégâts matériels et les séquelles sur le plan humain et social de façon générale.

Farid Guellil

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