À la veille de la rencontre suprême du part, l’ex-chef du MSP Boudjerra Soltani se pose toujours des questions qui renseignent sur l’incertitude qui plane sur ce rendez-vous. Plus que ça, il semble ne pas appréhender l’issue de la rencontre, devant s’ouvrir aujourd’hui, à la Coupole du complexe olympique Mohamed-Boudiaf d’Alger, où les congressistes du MSP se réuniront trois jours durant, pour débattre des cinq prochaines années à tracer pour le parti. Les enjeux sont de taille. Ce 7e congrès extraordinaire du Mouvement de la société pour la paix portera comme slogan : «Consensus national, transition démocratique et développement des politiques». Mais pour les observateurs avertis, un seul et unique enjeu sera sur la table : une « recomposition politique », pour un parti miné par ses divergences internes et «victime de son succès médiatique». Soltani, membre influent au Conseil consultatif, également ancien ministre au gouvernement, résume pourtant cette «recomposition politique» attendue dans les 5 prochaines années dans trois interrogations : quel président ? Avec quel discours ? Et pour quelle période ? Aussi paradoxal que cela peut paraitre, Soltani n’a pas tranché, du moins explicitement dit, sur sa propre candidature, mais a lancé quand-même des avertissements et a donné des indices. Des mises en garde dont il n’a cessé de parler ces derniers jours: «Il n’y a qu’une seule ligne politique aux MSP, c’est celle de Cheikh Mahfoud Nahnah», ou encore, « pas de place pour les courants et les divergences ». Dans une lettre adressée aux congressistes, estimés à 1 800 personnes issues de toutes les wilayas, et laquelle était diffusée sur les réseaux sociaux, Soltani n’explique pas pourquoi le MSP devrait revenir de nouveau à son ancienne ligne politique. Mais, il parle en lanceur d’alerte à priori, et craint le maintien de la gestion du courant dominant au parti, dont le chef de file est le président Abderrezak Makri, avec lequel les méfiances ne sont plus à démontrer. Soltani préfère jouer sur la stratégie de la peur. «La situation actuelle impose au MSP de se ranger aux cotés du gouvernement», défend Soltani, au moment où la position choisie par son rival Makri, notamment celle de passer dans le camp de l’opposition n’est pas pour aider le courant qu’il incarne. Il en veut pour preuve à ses avertissements, les rôles qu’ont eu à jouer des mouvements islamistes similaires dans d’autres pays arabes : les changements dans les régimes de gouvernance, les «Printemps arabes» et les «effondrements» qui ont abouti à «l’accord du siècle». Dans cette perspective et à la lumière d’«une période décisive», donner un coup de poignard dans le dos du gouvernement est plus facile, mais c’est tout le pays qui serait alors blessé», met en garde Soltani. D’autre part, il semble mettre beaucoup d’espoir dans «la voix silencieuse», qu’il appelait, lui, « la troisième voie».
« Le plus grand défi, à mon sens, c’est le changement dans le discours politique … et c’est la mission qui nécessite de nouvelles figures de deuxième rang au commandes que l’opinion publique n’a pas entendu s’exprimer que ce soit pour défendre la ligne participationniste ou plaider en faveur de la ligne de l’opposition», a-t-il écrit récemment sur sa page facebook.
Une ligne médiane que Soltani défendait depuis sa défaite au congrès du parti de 2013 et lequel a vu la montée fulgurante de Makri. C’est trop-tard de parler du retour de Soltani à la tête du parti ? L’accusation selon laquelle Soltani était «arrogant et impuissant» pour comprendre la volonté des militants est aussi bon marché que «non-fondée». Le MSP a connu de bonnes années durant son mandat à la tête du parti : alliance avec le gouvernement, des portefeuilles ministérielles, la troisième force parlementaire (2013/ 2017)… Maintenant, les «Soltanistes», trouvent cela suffisant. Soltani qui a participé à la fondation du parti avec feu Nahnah et qui l’a dirigé pendant des années, se contente du moins à voir ces résultats comme «un encouragement». Mais finalement, c’est probablement surtout une élection anti-establishment, c’est-à-dire contre les figures actuellement aux commandes.
Le changement démocratique est une valeur en soi, comme l’indique le slogan choisi pour ce congrès : «transition politique». Pour le congrès d’aujourd’hui, la défaite des «Soltanistes» serait un coup dur. La défaite du courant participationniste au MSP coïncide avec les difficultés économiques à lesquelles fait face le gouvernement, à seulement un an des élections présidentielles de 2019. Dans le parti, les congressistes devraient mettre un accent particulier sur la stabilité du pays, pas seulement sur l’avenir de leur parti.
Ils devraient appréhender la question avec sérieux. «Quoi qu’il en soit, la couleur du président – et son staff – qui dirigera le Mouvement dans la prochaine période, et qu’elle qu’en soit son expérience, son charisme, et ses aptitudes à gérer les affaires du parti pour continuer les efforts d’unification, il ne pourrait rien sans la conjugaison des efforts et l’appui d’un “directoire” large pour relever les défis qui se posent sur la scène nationale», assène Soltani. Et probablement, le rôle de Soltani sera plus visible lorsqu’il sera question d’aborder la présidentielle de 2019.
Hamid Mecheri
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