En net recul à l’issue des élections législatives anticipées en Irak, d’influents partis chiites pro-Iran ont durci le ton mardi, assurant qu’ils prendraient les «mesures» nécessaires pour annuler cette «escroquerie».
Sans surprise, les résultats préliminaires publiés lundi par la commission électorale, au lendemain du scrutin, donnent comme grand gagnant le courant du leader chiite Moqtada al-Sadr, ancien chef de milices qui a combattu les troupes américaines par le passé et développe aujourd’hui une rhétorique anti-Iran. Deuxième force au Parlement sortant, l’Alliance de la conquête, qui représente les anciens paramilitaires du puissant Hachd al-Chaabi, a, elle, accusé un net recul, passant de 48 sièges à une dizaine, selon des résultats compilés par l’AFP. Alliée à l’Iran, l’Alliance devrait cependant rester un acteur influent. Car dans un pays ultra-polarisé, la politique se joue dans l’hémicycle mais aussi dans la rue, les grands partis disposant de factions armées comme moyen de pression. Dans un communiqué, la coordination qui réunit plusieurs partis chiites, dont l’Alliance de la conquête, a rejeté les résultats préliminaires et compte «faire appel». «Nous prendrons toutes les mesures disponibles contre la manipulation des votes», a-t-elle poursuivi.
«Message clair»
«Nous n’acceptons pas ces résultats truqués», a aussi martelé dans un communiqué Hadi al-Ameri, le chef de l’Alliance de la conquête. Dans un pays secoué à l’automne 2019 par une contestation populaire qui a conspué le gouvernement mais aussi dénoncé l’influence de Téhéran et la répression des factions pro-Iran, l’érosion de la popularité de ce camp était attendue. Revendiquant plus de 70 sièges sur les 329 que compte l’hémicycle, les sadristes sont désormais quasi-assurés d’être la première force au sein du nouveau Parlement. Mais la commission électorale commençait mardi d’enregistrer les recours de candidats mécontents. Et les bulletins dans certains bureaux de vote sont encore en cours de dépouillement. Interrogée sur les accusations de fraudes des pro-Iran, la cheffe de la mission d’observation de l’UE, Viola von Cramon, a estimé mardi que le scrutin avait été «calme et ordonné». «Rien sur le plan technique, dans la majorité des bureaux de vote observés (…), ne pouvait confirmer cette évaluation», a-t-elle estimé lors d’une conférence de presse. Les législatives, les cinquièmes depuis 2003 et le renversement du dictateur Saddam Hussein dans le sillage de l’invasion américaine de l’Irak, ont été marquées par une abstention record. Le faible taux de participation (41%) était attendu dans un pays où l’opinion publique rejette un système politique sclérosé: malgré l’immense richesse pétrolière, un tiers de la population est pauvre, la corruption tentaculaire ronge l’Etat, les services publics sont à bout de souffle. L’élection devait être «une chance pour changer le paysage politique. Une majorité n’a apparemment pas cru à cette opportunité» a ajouté Mme von Cramon, y voyant un «message clair pour l’élite politique».
Tractations en vue
Les législatives ont été «la plus grande escroquerie et arnaque dont le peuple irakien ait été victime dans l’histoire moderne», a accusé Abou Ali Al-Askari, le porte-parole des Brigades du Hezbollah, une des plus puissantes factions du Hachd al-Chaabi. «Les frères du Hachd al-Chaabi sont les principales cibles», a-t-il ajouté dans un communiqué, appelant les factions à «se préparer à défendre leur groupe». Si une victoire des sadristes se confirmait, ils devraient conserver leur statut de première formation au Parlement, leur permettant de peser lors des tractations visant à désigner le nouveau Premier ministre. Autre tendance, la percée de l’Alliance de l’Etat de droit de l’ancien Premier ministre Nouri al-Maliki (pro-Iran), qui revendique une trentaine de sièges. Pour sa part, le parti Taqadom, de l’influent chef du Parlement Mohamed al-Halboussi –un sunnite–, assure avoir obtenu une quarantaine de sièges. Les élections de dimanche étaient initialement prévues en 2022. Promises par le Premier ministre Moustafa al-Kazimi, elles ont été avancées pour calmer la contestation née en octobre 2019. Réprimé dans le sang -au moins 600 morts et 30.000 blessés-, le mouvement s’est essoufflé. Des dizaines de militants ont été victimes d’enlèvements et d’assassinats. Les protestataires pointent du doigt les factions armées fidèles à l’Iran. Malgré tout, ces contestataires ont opéré une timide percée: dans le sud chiite, Imtidad, jeune parti se réclamant du soulèvement, a obtenu neuf sièges, selon un décompte préliminaire de l’AFP.