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Irak : A Mossoul-Ouest, des habitants tenaillés par la faim

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Les plus chanceux avaient du concentré de tomates ou des pommes de terre. Après des semaines de privations, des habitants de Mossoul-Ouest récemment libérés des jihadistes font la queue pour obtenir de la nourriture et espérer manger à leur faim.

Depuis le début de l’offensive des forces irakiennes à Mossoul-Ouest pour y chasser le groupe Etat islamique (EI) il y a trois semaines, les combats ont eu pour conséquence de couper les routes d’approvisionnement et obliger les habitants à se cloîtrer chez eux, subsistant sur des maigres réserves de pain et de riz. « Les marchés sont vides, il ne nous restait plus qu’un peu de riz, de la farine, des dattes », confie Abou Ahd, un tisserand de 45 ans, qui vient d’obtenir un carton rempli de bouteilles d’huile, lait en poudre pour bébé, riz, thé et sucre.
Derrière lui, sur le champ de ruine qu’est devenu le quartier d’Al-Mansour, repris mercredi par les forces de sécurité irakiennes, la file n’en finit pas de s’allonger devant un camion du ministère des Déplacés et de la Migration, venu distribuer l’aide. Des centaines d’hommes à la barbe hirsute attendent d’être servis. A leur côté, une autre file est réservée aux femmes, dont certaines ont relevé le voile qui couvrait leur visage, imposé par les jihadistes. Leur niqab noir est couvert de poussière.

«J’ai l’impression de renaître»
Chaque habitant tient en main sa carte d’identité pour pouvoir obtenir à manger. La foule s’agite, se presse contre le camion, les gens se poussent. Des soldats tirent en l’air pour obtenir le calme. Fahd Fadel tente laborieusement d’attacher un carton d’aides sur son vélo, avant de franchir des montagnes de gravats dans la rue. « J’ai l’impression de renaître », lance ce quinquagénaire qui doit nourrir sa femme et ses cinq enfants.
« Depuis trois mois, il n’y avait rien à acheter sur les marchés Et ces derniers jours, c’était l’enfer », poursuit-il. « On avait stocké des produits de base, de l’eau, du boulghour, du concentré de tomate, on mangeait un repas par jour ». Autour de lui, un paysage de désolation: les petites maisons qui bordaient la rue ne sont plus que béton déchiqueté et ferraille tordue. A quelques pas de la file d’attente, gît le corps d’un jihadiste égorgé.
« Les familles de l’EI avaient plein de réserves. Mais si elles voyaient un enfant affamé dans la rue, elles ne lui donnaient rien », assure Yasser Nabil, un trentenaire qui héberge ses parents et doit nourrir ses quatre enfants. « Ils ont entre quatre mois et six ans, ils réclamaient à manger, mais on n’avait rien à leur donner », confie cet ancien fonctionnaire en survêtement de sport jaune et bleu qui détonne dans la grisaille du paysage.

«Un repas par jour»
« On mangeait un repas par jour, on n’avait pas de lait pour bébé », se souvient-il. « Il n’y a plus rien à la maison, c’est la première fois qu’on reçoit de l’aide », confie Khaled, 47 ans, venu chercher des provisions pour ses cinq enfants. « Tout était très cher et les gens n’avaient plus d’argent », confie ce chauffeur de taxi. « Ces dernières semaines, on mangeait un repas par jour, avec ce qu’il y avait à la maison: des lentilles, du boulghour », poursuit-il. Dans quelques rues plus loin, ce sont les hommes des brigades paramilitaires du Hachd al-Chaabi (Mobilisation populaire), dominées par des milices chiites, qui distribuent de la nourriture. Les habitants se ruent sur l’arrière des petits pick-up blancs, s’arrachant des mains boîtes de fèves, bouteilles d’eau, gâteaux, mais aussi cartouches de cigarettes. Quand les véhicules démarrent, ils sont poursuivis par les enfants, avec leurs mères derrière. « Les gens ont besoin d’eau, de nourriture, d’essence et de gaz », lance Abdel Razzak Abdel Saheb, un des responsables de la distribution venu de la ville Bassora, dans le sud du pays, pour participer à l’effort de guerre. Derrière lui, un de ses hommes saisit à pleine main des poissons dans un baquet et les lance en direction des mains tendues.

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