Accueil ACTUALITÉ Emprnt obligataire : l’état optimiste face aux doutes

Emprnt obligataire : l’état optimiste face aux doutes

0

Dans un contexte économique préoccupant avec un déficit du Trésor de 1 404 milliards de dinars à la fin février 2016, contre près de 413 milliards de dinars à la fin février 2015, soit une hausse de près de 240% et une baisse de la fiscalité pétrolière, le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhelfa, satisfait des premiers résultats probants de l’emprunt obligataire d’état, lancé le 17 avril dernier, monte une nouvelle fois au créneau et appelle à une participation plus dynamique à ce dernier. Un optimiste qui n’est pas de l’avis de tous.

Sans pour autant livrer de chiffres précis, Benkhelfa a assuré que l’emprunt national pour la croissance économique (Ence) dit emprunt obligataire d’état se porte bien. Le ministre a évoqué plusieurs dizaines de milliards de dinars déjà collectés, mais a également soutenu que ces derniers n’étaient pas suffisants pour faire face au déficit budgétaire notable accusé par l’état. Le principal objectif : mener à terme les projets initiés par l’État et menacés d’arrêt par la conjoncture économique, après la chute du pétrole et l’épuisement du Fonds de régulation des Recettes (FFR). Des centaines d’entreprises et des milliers d’emplois en dépendent. Dans cette perspective, il a appelé jeudi dernier lors d’une rencontre regroupant à Tlemcen différents responsables de banques, de l’administration fiscale et des acteurs économiques locaux, les commerçants, les épargnants et les opérateurs économiques à adhérer massivement à l’emprunt obligataire. L’emprunt obligataire « n’est pas une fin, mais un moyen pour attirer des milliards de dinars, qui sont hors des banques, pour les employer dans l’édification de l’économie nationale, au lieu de recourir à l’endettement extérieur », a expliqué Benkhelfa. Une manière également de réconcilier les citoyens avec les institutions de finances publiques, car les gains seront répartis entre l’état et ces derniers. à l’instar du ministre des Finances, certains responsables de banques, comme le P-DG de la Caisse nationale d’épargne et de prévoyance (Cnep-Banque), Rachid Metref, ou celui de la Banque Extérieure d’Algérie (BEA), Mohamed Loukal, ont également pris leur bâton de pèlerin pour prêcher la bonne parole. Selon Metref, la souscription à l’emprunt obligataire est «un devoir national et un investissement à long terme», et «sans risques», d’autant que le ministère des Finances a décidé de diversifier la valeur nominative des titres en éditant des titres allant de 10 000 DA à 100 000 DA pour permettre à tous les citoyens de participer à l’opération. De son côté, le P-DG de la BEA, Loukal, a annoncé, tout en lançant un appel à ces concitoyens, que la banque a collecté 35 milliards de dinars dans le cadre de l’emprunt obligataire, en précisant que ce chiffre sera revu à la hausse compte tenu de l’engouement des citoyens pour cette opération enregistré, auprès des différentes agences bancaires. Pour sa part, le Centre national du registre du commerce (CNRC) a souscrit à l’Ence pour un montant de 8,5 milliards de dinars auprès de la Banque nationale d’Algérie (BNA). Achour Aboud, P-DG de la BNA a indiqué qu’avec cet engagement, les fonds collectés au niveau de la BNA devraient atteindre les 40 milliards de dinars, si l’on prend en compte l’ensemble des promesses de souscriptions. Pour Mohamed Maouche, directeur général du Cnrs, il s’agit de «donner l’exemple». Benkhelfa a également rappelé la réussite du programme de conformité fiscale volontaire visant au transfert des fonds du marché parallèle aux banques, comme facteur de recouvrement.

Des problématiques…
Quelle sont la réalité et les risques de cette vaste opération financière qui se veut un «nouveau mode de financement de la croissance» ? Les experts estiment que l’importance n’est pas dans l’emprunt lui-même, mais dans le placement de cette manne. Même si le ministre des Finances soutient mordicus que l’opération consiste à financer les grands projets d’investissements, des doutes planent sur la destination réelle des recettes récoltées. D’aucuns la disent destinée à financer le déficit budgétaire. Si cela est le cas, l’échec est d’ores et déjà annoncé si l’on compare les fonds déjà récoltés –de l’ordre de 65 milliards de dinars provenant d’obligations acquises par des entreprises et des particuliers– à l’ampleur du déficit budgétaire. Concernant le programme de conformité fiscale volontaire, l’opération est une sorte de «bancarisation des fonds de l’informel» pour attirer l’argent qui circule en dehors du circuit officiel, le capital de la sphère informelle représentant 40% de la masse monétaire en circulation, selon les rapports internationaux. Excluant toute forme de blanchiment d’argent, Benkhelfa a expliqué que la politique financière algérienne repose en matière fiscale sur le recouvrement, comme facteur principal, et non pas sur le contrôle ou la répression. Au-delà, un autre risque apparaît. Avec une inflation officielle moyenne de 5%, et la poursuite de la dévaluation du dinar, le taux réel de l’emprunt peut devenir nul aussi, voire négatif. Pour éviter cela, il faudrait un taux d’intérêt supérieur au taux d’inflation. D’autre part, aucune somme limite n’a été fixée pour cet emprunt obligataire étatique. Par conséquent, l’état a-t-il vraiment les capacités de rembourser ses créanciers dans un contexte financier incertain à court et moyen termes ? Dans tous les cas, l’emprunt obligataire ne peut se suffire à lui-même pour être une solution aux finances du pays. Selon la plupart des acteurs économiques, comme le FMI ou certains économistes, l’état devrait envisager de véritables réformes économiques structurelles et institutionnelles pour que, d’une part, l’emprunt obligataire puisse avoir une véritable portée, et atteindre son objectif et, d’autre part, relancer l’économie nationale.
Anissa Benkhelifa

Article précédentLutte contre la fraude au bac : Benghebrit mise sur la qualité des sujets
Article suivantSaison estivale : Bedoui interdit la concession des plages au privé