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Afrique de l’Ouest : le virus Ebola décime les blouses blanches

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Toujours pressée, celle qui se fait appeler «Dr Mara» court d’un service à l’autre de l’hôpital Donka de Conakry avec la tenue et les gants qu’elle a achetés à ses frais pour se protéger du virus Ebola. Tout comme cette infirmière de la capitale guinéenne, manquant souvent de tout, les personnels de santé se sacrifient pour arrêter la terrible épidémie qui frappe l’Afrique de l’Ouest, souvent au prix de leur vie. L’Organisation mondiale de la santé s’est alarmée le 25 août de la proportion «sans précédent de médecins, d’infirmiers, d’infirmières et d?autres agents de santé» contaminés par la fièvre hémorragique. A cette date, «plus de 240 agents de santé sont tombés malades en Guinée, au Libéria, en Sierra Leone et au Nigeria, et plus de 120 sont décédés», soit près de 10% du nombre total de cas recensés à cette date, selon l’OMS. Ce bilan est d’autant plus dramatique que les trois premiers pays cités, les plus touchés par l’épidémie qui a déjà fait plus de 1.500 morts depuis le début de l’année, ne comptent qu’un ou deux médecins pour 100.000 habitants.

Depuis, la Sierra Leone, qui avait déjà perdu son unique spécialiste en virologie et un autre haut responsable médical, a enregistré le décès d’un troisième praticien. Un expert sénégalais de l’OMS a également été contaminé en Sierra Leone et a été admis mercredi dans un hôpital de Hambourg, en Allemagne.

«Si Dieu me prête vie»
«Un jour, si Dieu me prête vie, lorsque Ebola sera devenu un lointain souvenir, j’expliquerai à mes petits-enfants ou arrière-petits-enfants ce que c’est cette maladie dénommée Ebola qui a secoué le monde en 2014», confie Marie Fikhè, infirmière en charge d’un service à l’hôpital Donka, le plus grand de Guinée, où l’épidémie s’est déclarée. Il y a quelque temps, son repos était interrompu par les sirènes annonçant l’admission d’un nouveau cas d’Ebola, une fièvre très contagieuse si l’on est au contact d’un malade et qui tue plus d’un malade sur deux dans le cas de l’épidémie ouest-africaine. Puis les sirènes ont été supprimées en raison de l’afflux de patients. «Après chaque acte, il faut changer de gants, se laver les mains», précise Marie Fikhé, «alors qu?on nous donne un paquet par semaine, c’est nettement insuffisant». «Tout le monde sait que les bailleurs de fonds en donnent en abondance, alors il faut que cela serve à traiter les malades», souligne-t-elle, déplorant que «très souvent, au bout de quelques jours, ce même matériel se retrouve sur le marché local».
La jeune femme raconte qu’une collègue est décédée au centre d’isolement de l’hôpital «parce qu’elle avait contracté la maladie sans le savoir alors qu’elle soignait une femme dont tout le monde pensait ici qu’elle avait la fièvre typhoïde».
«C’était tout au début, avant que le laboratoire de Lyon (en France) ne découvre que la maladie qui faisait rage dans le sud du pays était la fièvre hémorragique à virus Ebola», explique-t-elle.

Honneur et responsabilité
Parmi les raisons du lourd tribut versé par les professions médicales, l’OMS cite la similitude entre les premiers symptômes d’Ebola et ceux de plusieurs maladies infectieuses endémiques dans la région, comme le paludisme, la fièvre typhoïde et la fièvre de Lassa.
Elle incrimine également «la pénurie ou la mauvaise utilisation des équipements de protection personnelle et la faiblesse des effectifs de personnel médical». A l’hôpital Donka de Conakry, «Dr Mara» fait le même constat. «Voyez mon accoutrement. C?est moi qui l’ai acheté à mes frais», indique le ‘Dr Mara’, «le plus souvent, je vais trier au marché de bons tissus blancs et je les fais coudre par mon tailleur».
«Même les gants sur la table là-bas, c’est moi qui les ai achetés», insiste l’infirmière, en mouvement incessant entre son service, les urgences, la pharmacie, le laboratoire, et le centre d’isolement des malades d’Ebola, affirmant manquer de tout: «l’alcool, les déshydratants, le savon, l’eau…»
Une de ses collègues, Jacqueline Théa, à la frêle silhouette flottant dans sa blouse trop ample, dit rester «parce que je ne veux pas fuir mes responsabilités, parce que j’ai prêté serment, parce que je veux faire honneur à mes enfants». «Sinon j’aurais tout abandonné pour partir très loin d’ici, loin de la Guinée», confie-t-elle.

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