Hier dimanche, trois nouveaux martyrs palestiniens ont été fauchés par un bombardement aérien sioniste à l’est de Khan Younès, dans le sud de la bande assiégée. Le fragile accord censé mettre fin à l’une des guerres les plus meurtrières du XXIe siècle continue d’être balayé par les frappes, les incursions et les démolitions systématiques menées par l’armée d’occupation, comme si la notion même de trêve n’avait aucune valeur lorsqu’il s’agit de Ghaza et de son peuple.
L’agence palestinienne Wafa rapporte que les avions de guerre ont ciblé la ville de Beni Suheila, propulsant vers le complexe médical Nasser les corps de trois victimes supplémentaires, ajoutées à une liste déjà interminable. Depuis l’aube, l’armée mène aussi une vaste opération de démolition au nord de Rafah, tandis que des hélicoptères de combat saturent le ciel oriental de Khan Younes. Rien ne laisse penser que les hostilités connaissent un ralentissement, ni même un début de retenue. La trêve, signée en octobre, ressemble davantage à une illusion diplomatique qu’à une réalité observable sur le terrain. Selon les autorités sanitaires palestiniennes, plus de 260 personnes ont été tuées depuis cette trêve officiellement annoncée et plus de 6.300 autres blessées. Ces chiffres, déjà insoutenables, ne reflètent qu’une partie de la vérité. Beaucoup ne parviennent même pas jusqu’aux hôpitaux : certains restent sous les décombres des immeubles pulvérisés, d’autres meurent dans les rues, faute de secours. Les équipes médicales et les unités de défense civile ne disposent plus ni du carburant nécessaire pour se déplacer, ni des équipements indispensables pour fouiller les ruines.
Le massacre à Ghaza, lui, s’étire toujours. Depuis le 7 octobre 2023, près de 70.000 Palestiniens ont été tués, majoritairement des femmes et des enfants. Ce chiffre dépasse l’imagination ; il excède les seuils des définitions juridiques classiques du crime. Il renvoie aux atrocités que la résistance palestinienne et les organisations humanitaires qualifient, sans hésitation, de génocide en cours. Le seul fait d’imaginer une population entière piégée dans 365 km², affamée, bombardée, coupée du monde, suffit à mesurer l’ampleur du désastre. Dans cet enfer désormais chronique, l’effondrement du système de santé apparaît comme une deuxième mort imposée aux survivants. L’Organisation mondiale de la santé a révélé dimanche que plus de 900 patients sont décédés pendant qu’ils attendaient une autorisation d’évacuation médicale, faute de pouvoir quitter Ghaza pour recevoir un traitement adéquat. Les restrictions sionistes sur les permis de sortie fonctionnent comme un mur administratif, invisible mais létal, qui condamne ceux qui pourraient encore être sauvés. L’OMS explique qu’environ 16.500 patients sont actuellement bloqués dans la bande, dont 4.000 enfants en situation d’urgence vitale. Les hôpitaux fonctionnent à moins de la moitié de leur capacité, étouffés par le manque de carburant, de médicaments et d’équipements essentiels. Certaines unités survivent grâce à des générateurs instables ; d’autres doivent choisir quels patients traiter en priorité, faute de lits ou d’appareils. L’organisation internationale, qui décrit ces retards comme des « condamnations à mort », a tout de même réalisé 119 missions d’évacuation depuis mai 2024, permettant le transfert de 8.000 malades hors de Ghaza, dont 5.500 enfants. Un chiffre encourageant, mais qui reste très loin des besoins réels. Pendant ce temps, la machine de guerre continue de produire des chiffres macabres. Le bilan global atteint désormais 69.483 martyrs et plus de 170.706 blessés en 24 mois. La simple lecture de ces données suffit à exprimer l’échelle du désastre, mais la réalité est encore pire : nombre de victimes ne sont pas comptabilisées. Certaines familles sont entièrement anéanties, et personne ne reste pour déclarer leur mort. Les corps ensevelis sous les décombres ne figurent pas dans les registres, pas plus que les personnes portées disparues dans les zones où les équipes de secours ne peuvent plus accéder. Selon les données médicales, durant les 72 dernières heures seulement, 17 martyrs et trois blessés ont été transportés vers les hôpitaux du territoire. Les chiffres varient à peine d’un jour à l’autre, tant ils s’inscrivent désormais dans une routine funèbre. Les équipes de la défense civile, épuisées, sous-équipées, travaillent dans un paysage qui ressemble à une carte déchirée. Elles ne disposent plus de la logistique nécessaire pour mener des opérations de sauvetage à grande échelle, surtout dans les zones où les combats continuent. Depuis l’entrée en vigueur supposée du cessez-le-feu entre la résistance palestinienne et l’occupation sioniste le 10 octobre dernier, 266 Palestiniens ont été tués et 635 blessés. Dans le même laps de temps, les équipes de secours ont récupéré les corps de 548 martyrs, retrouvés sous les décombres ou dans les zones évacuées. Ce nombre donne une idée de l’intensité continue des frappes, malgré les annonces internationales d’une accalmie. À mesure que le conflit s’étire, la violence change parfois de forme mais jamais de direction. Le siège, la famine, la destruction systématique des infrastructures civiles et la fragmentation du territoire dessinent une stratégie qui dépasse le simple affrontement militaire. Ce sont les contours d’une politique de destruction d’un peuple et de son tissu social. Les offensives brisent les habitations, mais aussi les hôpitaux, les écoles, les réseaux d’eau, les routes, tout ce qui permet à une société de fonctionner. Depuis deux ans, ce cycle de mort et de dépossession se poursuit en dépit des appels de la communauté internationale. Même les injonctions de la Cour internationale de justice — qui demande clairement à l’occupation de cesser son opération génocidaire — restent lettre morte. Les résolutions, les déclarations et les condamnations diplomatiques se heurtent à un mur d’impunité. La population civile, elle, n’a pas le privilège de cette inertie : elle paie chaque jour le prix de cette incapacité mondiale à imposer le droit international. Le drame de Ghaza ne s’exprime pas seulement dans les statistiques. Il est inscrit dans les visages des enfants qui attendent une évacuation médicale qui ne vient pas. Il est visible dans les files interminables devant les points de distribution d’eau. Il résonne dans les cris des familles cherchant des survivants sous les décombres, dans l’épuisement des médecins qui opèrent sans anesthésie, dans la fatigue des ambulanciers qui savent qu’ils ne sauveront pas tout le monde. Les bombardements de Khan Younes et les morts supplémentaires de dimanche ne sont qu’un nouvel épisode dans une tragédie longue de deux ans. Ils rappellent que la trêve n’a jamais vraiment été respectée et que la population continue de vivre dans un cycle permanent de menace, de faim, de maladie et de perte. Ce dimanche encore, Ghaza pleure. Et le monde, lui, regarde, comptabilise, mais n’arrête rien. Le récit du massacre continue, tandis que le peuple palestinien, malgré tout, s’accroche à la vie, à la dignité et à son droit fondamental à exister.
M. Seghilani











































